De 1942 à 1943 Georges et Juliette Marsaud, ont caché une famille juive qui avait fui Paris pour échapper à la rafle du Vel’ d’hiv’. Ce jeudi 10 juin, ce couple de Sagnat a reçu la médaille des « justes parmi les nations » à titre posthume.
Deux habitants de Sagnat ont reçu la médaille des »justes parmi les nations« , à titre posthume, ce jeudi 10 juin. Cette distinction récompense ceux qui ont mis leur vie en danger pour sauver des juifs, pendant la seconde guerre mondiale. En 1942, Georges et Juliette Marsaud ont caché le couple Frydman et leurs trois enfants. Cette famille avait fui Paris pour échapper à la rafle du Vel d’hiv.
Le couple Marsaud est toujours resté discret sur cette action
Ce jeudi 10 mai, une cérémonie a réuni les descendants des deux familles, quelques habitants de Sagnat, ainsi que le représentant du mémorial israélien Yad Vashem, qui décerne la médaille des justes. Hervé Petit, le petit-neveu du couple Marsaud a indiqué « S’ils savaient qu’une telle cérémonie est organisée en leur honneur, il y a fort à parier qu’ils seraient gênés« .
Jusqu’à la fin de leur vie, Juliette et Georges Marsaud ne se sont jamais vantés de leur acte d’humanité : « la simple phrase : nous avons sauvé une famille de juifs pendant l’occupation, c’est quelque chose que je n’ai jamais entendu« , explique Hervé Petit. Ce sont les descendants des deux familles qui ont lancé les démarches pour faire reconnaitre l’implication du couple Marsaud pendant l’occupation.
Ils ont hébergé une famille qu’ils ne connaissaient pas
En 1942, Idès, Noël Frydman et leurs trois enfants, habitaient dans le quartier Belleville à Paris. Ces juifs immigrés de Pologne avaient sympathisé avec le commissaire adjoint du quartier. Cet homme les a prévenus que la police parisienne préparait une rafle. Il leur a conseillé de fuir et leur a donné l’adresse de sa sœur, Juliette Marsaud.
La famille Frydman est arrivée à Sagnat après un voyage semé d’embûches. Ils ont été hébergés par le couple Marsaud pendant un an , « la maison des Marsaud, c’était tout petit. Il s’agissait de gens qui étaient très pauvres et le peu qu’ils avaient, ils l’ont mis à la disposition de ma famille », confie Patrick Frydman, le petit-fils d’Idès et Noël. « Sans Juliette et Georges Marsaud, je ne serais pas de ce monde« .
Le couple d’agriculteurs n’avait en effet que quatre vaches et une toute petite propriété. Ils ont hébergé et nourri les Frydman. Ils les ont aussi aidés à s’intégrer dans le village. De 1942 à 1943, aucun habitant n’a dénoncé cette famille aux autorités. » tout le village en réalité savait, et ils n’ont rien dit. Mes grands-parents parlaient mal le français, ils avaient un accent étranger très prononcé », assure Frédéric Frydman.
Après Sagnat, la résistance et la déportation pour les Frydman
Au cours de cette année en Creuse, Jean, le fils aîné des Frydman s’est engagé dans la résistance. A l’automne 1943, la milice s’est présentée à Sagnat pour tenter d’arrêter le jeune homme. La famille Frydman a donc pris peur et a préféré quitter la Creuse.
Plus tard, Jean Frydman a été condamné à mort par les nazis pour acte de résistance et a été déporté. Il a réussi à s’échapper du train qui l’emmenait à Buchenwald. Idès Frydman n’a pas eu cette chance, elle a passé de longs mois au camp d’Auschwitz et a survécu. D’après Hervé Petit « elle disait qu’elle avait tenu à Auschwitz parce qu’elle avait connu une autre humanité à Sagnat ».
Jean Frydman a eu une riche carrière dans les médias, cofondateur d’Europe 1, il a aussi créé la régie publicitaire Mediavision. Il a produit deux films documentaires concernant la seconde guerre mondiale ; Le Chagrin et la Pitié, de Marcel Ophüls (1969) et De Nuremberg à Nuremberg de Frédéric Rossif (1989). Il s’est éteint en mars 2021. Si le covid-19 n’avait pas retardé la cérémonie, il avait prévu d’être présent à Sagnat.
Les familles Marsaud et Frydman sont toujours restées proches. « Nous avons des liens sur trois générations », confirme Hervé Petit, qui confie même, « enfant, je croyais que les Frydman étaient des cousins ».