Après les attaques menées contre des Juifs aux Pays-Bas, Boualem Sansal évoque la manière dont les islamistes avancent leurs pions en Europe.
Atlantico : La chasse aux juifs menée à Amsterdam à l’occasion du match entre le Maccabi Tel Aviv et l’Ajax Amsterdam la semaine dernière a fait au moins 25 blessés, dont 5 graves. Comment expliquez-vous la difficulté de la gauche à employer les bons mots et le refus de parler d’un « pogrom » ou d’une attaque « antisémite » ? Que révèle la rhétorique d’extrême gauche dans cette affaire ?
Boualem Sansal : La gauche n’a aucune difficulté, elle est en parfaite cohérence avec elle-même, elle a choisi son camp et ne s’en cache pas, il faut le reconnaitre. Elle veut déconstruire la France, elle méprise les Français et veut éradiquer les blancs aux yeux bleus, ouvrir les frontières aux migrants du Sud Global qui feront de la bonne chair à canons quand viendra le jour J, elle soutient Hamas et comprend le Hezbollah, elle aime les dictateurs du Sud global, elle adore l’islam et comprend l’islamisme et ses débordements, et déteste les cathos et les juifs, elle veut instaurer un socialisme punitif et affamer le peuple pour le discipliner, etc, etc. Les vraies questions sont celles-ci : 1) A-t-elle raison ou tort d’être ainsi? 2) Est-elle pire ou meilleure que Macron et sa macronie qui sont au pouvoir et le tiennent bien? 3) Que proposent les autres partis qui prétendent au pouvoir et pourquoi devrait-on les croire capables de faire ce qu’ils disent? En attendant, on tue du juif comme aux pires moments de l’histoire européenne, et on viole comme au temps des grandes invasions barbares.
La question subsidiaire est celle-ci : qui mettra à terre cette tour de Babel dangereuse et incompréhensible ? Certains avancent des noms : Trump, Poutine, Xi Jinping, Tebboune. Que ces gens-là soient capables ou pas de le délivrer, force est de constater qu’ils sont tous étrangers, comme si la France et l’Europe étaient déjà finies.
Faut-il craindre la capacité de cette rhétorique et de l’extrême gauche à convaincre les populations musulmanes européennes ? Qui pourrait, à l’inverse, les pousser à constater la violence de l’islamisme ?
L’islam est solidement et définitivement implanté en France. Il faut tout penser en fonction de cette terrible réalité, ce que l’on ne fait pas assez en France où on croit encore que la France d’antan continue d’exister. L’islam est une religion, une civilisation, un empire, une oumma qui ne fait que croitre et de se renforcer. Il balaie tout sur son passage. S’il se montre sympa, comme l’expliquent les grands théologiens de France, le recteur de la GM de Paris, le subtil imam de Bordeaux et d’autres tout autant férus de pédagogie, tout se passera gentiment, la conquête se fera en douceur. Si l’islamisme prend le dessus comme c’est le cas, à cause des derniers gaulois réfractaires, ça se passera mal, comme au Daech, et il ne faudra pas venir se plaindre, on l’aura cherché. Il y a de quoi être pessimiste car le pouvoir en France est fondamentalement incapable d’agir, pris qu’il est dans les filets de l’UE, de l’impérium américain, de l’Otan, de la cour européenne de justice, du réseau woke mondial, etc. C’est boxer avec les bras attachés dans le dos. Les musulmans de France sont une force énorme, un volant surpuissant mais ne le savent pas ou ne veulent pas le voir. D’un geste ils peuvent totalement changer la donne, faire de l’islam une religion comme une autre ou à Dieu ne plaise le faire basculer dans le djihad. Ils pourraient faire un magnifique Hirak, joyeux et sérieux et imposer la paix, la laïcité, la démocratie. Ce serait marrant et nouveau que ces bénédictions viennent de musulmans. On a envie de leur dire : Levez le doigt et parlez!
Nos sociétés occidentales apparaissent de plus en plus tiraillées entre un passé jugé coupable à l’encontre du Maghreb et la frustration engendrée par de tels assauts. Quelle pourrait être la porte de sortie pour les puissances occidentales ? À quelle issue faut-il s’attendre ?
Il n’y a rien à dire que cela : il faut sortir du chantage, ne plus l’accepter, car il ne s’agit que de cela, de chantage pour se légitimer, se faire plaisir, en tirer du bon profit. De l’autre côté il faut se vacciner contre le dolorisme, le discourisme, le mea culpa colonial, le wokisme et la covid mémorielle. Xavier Driencourt parlait du rapport de force qu’il faut inverser. C’est aussi simple que cela. L’occident est à la croisée des chemins, plus près cependant de la chute que du redressement. Le retour de Trump aux affaires va formidablement accélérer le processus, pour le meilleur et pour le pire. Trump aura cet avantage sur les responsables européens, lui va travailler pour l’Amérique, pour le MAGA alors que les responsables européens se croient investis de la mission prophétique de sauver l’humanité et la planète. Cette ambition donquichottesque a ruiné leurs pays et va les achever. Il faut revenir à la raison, à la modestie, et mettre de l’ordre chez eux avant d’aller parler au monde qui n’a nul besoin d’eux.
Que vous inspirent les réactions en Algérie et en France suite au pogrom aux Pays-Bas ?
Il n’y a pas eu de réactions en Algérie, sinon une indifférence appuyée. Le pouvoir algérien encore sous le choc de la décision de Macron de reconnaître la pleine et légitime marocanité du Sahara occidental, trahison qui naturellement se lavera par une guerre totale, commerciale pour commencer, donc acte. En France les réactions aux attentats sont toujours surjouées même quand elles sont sincères. Au train où va l’antisémitisme et son facteur aggravant l’islamisme en France et en Europe, il faut des actes, des actes urgents et d’ampleur, pas des paroles pleines d’émotions, des postures contrites et les sempiternels bisounours. Quand on installe dans le même gouvernement un Bruno Retailleau à l’Intérieur et un Didier Migaud à la Justice, on se moque de qui ? Des victimes de l’antisémitisme et de l’islamisme réunies ! Le temps des progroms est revenu, les juifs le savent et le disent depuis longtemps.
Boualem Sansal
Tout est dit ! Bravo et Merci monsieur Sansal pour votre lucidité.