Principalement connue pour son rôle dans la série à succès Netflix, l’actrice israélienne compte à son actif une filmographie prometteuse. Portrait, dans notre série consacrée aux jeunes comédien·nes.
Née à Hod Hasharon en Israël il y a vingt-sept ans, Shira Haas rêve très tôt au jeu. Elle étudie à l’école d’art supérieur Thelma Yellin à Givatayim, dans la banlieue de Tel Aviv, mais c’est via Facebook qu’elle est repérée pour jouer dans Princess de Tali Shalom Ezer. Elle n’a que 16 ans quand elle décroche ce rôle retors, où elle incarne une ado sous emprise et en proie à des jeux dangereux avec un beau-père abusif. Malgré le rayonnement du film (Sundance) et un prix de la meilleure actrice décroché au festival international du film de Jérusalem, il faut attendre 2013, et le petit écran pour que Shira Haas devienne figure populaire de son pays.
Très célèbre en Israël, la série Les Shtisel, forte aujourd’hui de trois saisons, chronique la vie quotidienne d’une famille ultra-orthodoxe à Jérusalem, ces haredim (“craignant-Dieu” en hébreu), population juive vivant en communauté fermée selon des règles strictes. En 2019, Netflix rachète les droits et la série, à mi-chemin entre le soap et l’objet d’étude anthropologique, s’exporte avec succès à l’étranger.
Une ascension progressive
Au cinéma, Shira Haas enchaîne les rôles secondaires, notamment dans Une histoire d’amour et de ténèbres, réalisé par Natalie Portman – dont elle partage la minceur androgyne. En 2017, on la voit chez Samuel Maoz (Foxtrot), Lion d’argent à la Mostra de Venise, et chez la néo-zélandaise Niki Caro (La femme du gardien de zoo) avec Jessica Chastain. Puis suit une première incursion hollywoodienne dans le grandiloquent Marie Madeleine de Garth Davis.
Avec Broken Mirrors, film de 2020 co-réalisé par Aviad Givon et Imri Matalon, Shira Haas continue à creuser l’identité de personnes portant le poids du patriarcat leurs épaules. C’est à nouveau au second plan qu’elle apparaît entre 2018 et 2019 chez Marco Carmel dans Noble Savage, film pour lequel elle décroche l’Ophir, équivalent des Oscars israéliens, de la meilleure actrice dans un second rôle, puis chez Pavel Lounguine dans une relecture moderne de l’épisode biblique d’Esau. En 2020, elle remporte la même récompense pour le drame familial multi-primé et prétendant sérieux aux Oscars, Asia.
L’explosion d’“Unorthodox”
Mais c’est quelques mois plus tôt, à nouveau sur le petit écran (on la verra aussi dans les feuilletons israéliens Hazoref et The Conductor) que Shira Haas élargit son spectre de coqueluche nationale et renoue, après Shitsel, avec la question de la religion. Un oiseau tombé du nid. Shira Haas est apparue comme ça dans Unorthodox, mini-série diffusée sur Netflix en mars 2020, adaptée du best-seller de Deborah Feldman. Une petite chose minuscule engloutie sous l’uniforme, perruque, jupe longue et manches couvrantes, de ces femmes juives appartenant à la communauté ultra-orthodoxe de Williamsburg, quartier de Brooklyn, New-York. Il y a peu, Isabelle Huppert disait au micro de France Culture, de son corps qu’il était “quelque chose qu’on peut étirer, qu’on peut contracter, peut être aussi parce que je suis petite, (…) j’ai vraiment l’impression que j’en fait ce que je veux.” Les grandes actrices seraient-elles de petites tailles ?
Dans le premier épisode de la mini-série, les showruneuses Anna Winger et Alexa Karolinski avaient eu la belle intuition de ne générer aucun suspens sur le dessin de leur héroïne. On y voyait, dès les premières minutes, la jeune Etsy plier bagage, s’enfuir de l’appartement conjugal et débarquer à Berlin. À la fin de ce même épisode, elle entrait dans un lac, vêtements toujours sur la peau, retirait sa perruque pour laisser apparaître ses cheveux très courts et façonnait ainsi la trame d’une série d’émancipation viscéralement axée sur le corps menu de son héroïne-actrice (dont on apprendra dans quelques maigres bio obscures qu’elle a vaincu très jeune un cancer du rein). Physique étrange, démesuré et à la fois comme diminué, corps sans âge et sans genre.
La performance (apprentissage du yiddish, du chant, du piano…) lui vaut une nomination aux Emmy Awards et le titre des 100 personnalités les plus influentes de 2021 selon le Time. La suite devrait se faire toujours du côté de chez Netflix, avec une adaptation du roman graphique du regretté Si Spencer Bodies, où elle campera une détective aux côtés de Stephen Graham, Jacob Fortune-Lloyd, Kyle Soller et Amaka Okafor.