Que sait-on des conditions de captivité des enfants otages dans la bande de Gaza ?

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Rapportés par leurs proches, les récits de certains des mineurs libérés par le Hamas depuis la semaine dernière suscitent l’inquiétude quant au traitement qui leur a été réservé et au traumatisme dont ils risquent de souffrir.

Une trentaine d’enfants ont été relâchés par le Hamas depuis l’entrée en vigueur vendredi 24 novembre de la trêve humanitaire avec Israël. Au fur et à mesure de leur libération, leurs proches ont rapporté à la presse quelques détails de leurs sept semaines de captivité. Des témoignages systématiquement indirects et encore parcellaires, soit parce que les enfants, traumatisés, n’ont pas tout dit, soit parce que leurs familles agissent avec prudence pour ne pas compromettre les chances de survie des plus de 150 otages toujours aux mains des groupes islamistes. Peut-être aussi parce que les autorités israéliennes cherchent à contrôler la communication des personnes libérées, refroidies par la conférence de presse spectaculaire de Yocheved Lifshitz, une octogénaire relâchée le 24 octobre, bien avant la trêve humanitaire, qui avait décrit son enlèvement comme un «cauchemar» mais avait aussi salué l’attitude de ses geôliers, «très généreux et très gentils».

Grand-mère de trois garçons libérés dimanche, Varda Goldstein a expliqué à la télévision israélienne que le traitement réservé en captivité à ses petits-fils était «plus ou moins correct». «Les nouvelles sont bonnes. […] Il y a un suivi médical classique, comme toujours dans ces cas mais [ils] ne semblent pas éprouvés au-delà de cette terrible détention et de ce qu’elle a pu représenter de choc psychologique, de difficultés de vie quotidienne», avait aussi rassuré la ministre des Affaires étrangères française, Catherine Colonna, mardi matin, au lendemain de la libération de trois mineurs franco-israéliens. Mais d’autres témoignages ont suscité l’inquiétude sur le sort de certains des enfants retenus dans la bande de Gaza.

«Elle est encore terrifiée de faire du bruit»

A RMC mardi matin, la tante d’Eitan Yahalomi, Deborah, a raconté que les geôliers de son neveu «l’ont obligé à regarder le film d’horreur du 7 octobre», c’est-à-dire les images des massacres commis en Israël par les hommes du Hamas. «Ils l’ont menacé avec une arme d’arrêter de pleurer», a-t-elle ajouté, précisant que des «civils, pas le Hamas» auraient frappé le garçon franco-israélien de douze ans. «Quand je vois le Hamas tenir les enfants par la main, leur donner de l’eau, des vêtements… C’est un jeu dégueulasse. Ils leur ont donné des vêtements la veille de la libération après avoir passé cinquante et un jours avec les mêmes vêtements», affirme-t-elle. Dans une autre interview, Esther, la grand-mère du garçon, a déclaré que celui-ci était resté «seul dans une pièce fermée» pendant les seize premiers jours suivant le kidnapping. «Il est revenu amaigri, sans sourire. Mais il me semble que physiquement, il est en bonne santé», a-t-elle souligné.

Enlevée dans le kibboutz de Be’eri, Emily Hand a été relâchée samedi, quelques jours après son neuvième anniversaire. Son père, Tom Hand, a rapporté à plusieurs médias anglo-saxons l’état de choc dans lequel se trouverait la jeune Israélo-Irlandaise. «Quand elle est revenue, j’ai dû mettre mon oreille contre ses lèvres pour entendre ce qu’elle disait […]. Elle était une enfant normale, heureuse et bruyante mais maintenant elle murmure. Elle a dû recevoir l’ordre de se taire si longtemps qu’elle est encore terrifiée de faire du bruit», a-t-il suggéré. A sa sortie de l’enclave, la petite fille était anormalement pâle et avait perdu du poids, même si les otages avaient assez à manger pour survivre, selon le récit de Tom Hand – dans un territoire où le siège imposé par Israël a provoqué de graves pénuries, notamment alimentaires«Nous ne saurons ce qu’elle a vraiment vécu que lorsqu’elle s’ouvrira. J’ai tellement de questions… Mais il faut laisser [les otages libérés] s’exprimer quand ils seront prêts», a convenu le père.

Encore trois à cinq otages mineurs

La directrice du département pédiatrique de l’hôpital Dana Children’s à Tel-Aviv, Ronit Lubetzky, a déploré mercredi que les enfants otages ont perdu 10 % à 17 % de leur poids pendant la captivité. Dror Mendel, la directrice du site, souligne en outre qu’une petite fille souffre d’«une blessure orthopédique complexe qui nécessite une intervention et qui exigera des tests, des suivis et des traitements continus». Pour le moment, la plupart des otages libérés étaient retenus par le Hamas, mais il semble que plusieurs personnes soient entre les mains d’autres groupes armés, dont on ne connaît pas forcément la manière de traiter les captifs.

Mercredi, la branche armée du Hamas a annoncé la mort «dans un bombardement de la bande de Gaza» par les forces israéliennes de deux enfants otages – Kfir Bibas, 10 mois, et son grand frère Ariel Bibas, 4 ans – ainsi que de leur mère, Shiri Silverman Bibas, 32 ans. La déclaration, qui intervient au sixième jour de la trêve humanitaire, doit être considérée avec précaution, notamment parce qu’un groupe islamiste, le Jihad islamique palestinien, a déjà annoncé à tort le décès de la septuagénaire Hanna Katzir, qui a finalement été relâchée. L’armée israélienne a indiqué qu’elle «vérifie la véracité de l’information». Si ces trois morts venaient à être confirmées, il ne resterait plus que trois enfants otages israéliens entre les mains d’organisations palestiniennes : Gali Tarshansky, 13 ans, Amit Shani, 16 ans, et Aisha Alziedana, 17 ans.

par Samuel Ravier-Regnat