En Israël, le Mossad fait des ponts d’or aux petits génies de la cybersécurité

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Pour attirer les talents face à la concurrence du privé, l’agence de renseignements propose des contrats de rémunération sur mesure.

Le Mossad déroule le tapis rouge aux petits génies de la high-tech. L’enjeu est tel que le service de renseignements israélien est prêt à mettre la main à la poche pour concurrencer la myriade de start-up qui offrent des salaires beaucoup plus élevés que ceux pratiqués dans le secteur public. Une forme de privatisation est en cours.

David Barnea, le patron du Mossad, s’est fixé un objectif: 40 % des espions, analystes, informaticiens et autres experts en tout genre vont être recrutés sur la base de contrats négociés individuellement, sur mesure. Jusqu’à présent, les agents, dont le service dépend directement du premier ministre, étaient soumis en tant que fonctionnaires à une convention collective. Grâce à ces nouvelles règles du jeu, l’agence de renseignements pourra proposer des rémunérations plus élevées ainsi que des meilleures conditions de travail.

Actuellement, le salaire moyen mensuel dans la haute technologie israélienne est de près de 8000 euros, sans compter les bonus et autres incitations financières. Mais ce chiffre peut monter beaucoup plus haut dans les secteurs de pointe très recherchés, notamment dans la cybersécurité, la robotique ou l’intelligence artificielle. Autant de domaines pour lesquels une agence d’espionnage qui ambitionne d’être à la hauteur de sa réputation se doit à tout prix d’exceller face à une féroce concurrence.

«Pour se maintenir, le Mossad n’a pas le choix, il doit impérativement s’adapter aux conditions du marché de l’emploi», confie une responsable du ministère des Finances. Selon les statistiques officielles, le Mossad dispose des moyens de ses ambitions. Son budget ne cesse de progresser et dépasse les 2 milliards d’euros par an avec des effectifs estimés à 7000 agents. Signe des temps: le Shin Beth, le service de sécurité intérieure, chargé de la lutte contre le terrorisme, le contre-espionnage et la protection des personnalités officielles, s’est lui aussi lancé dans une opération de séduction.

Participations dans les start-up

«Le modèle actuel régi par le service public n’est plus pertinent pour recruter et retenir des salariés spécialisés dans la haute technologie», a récemment confié le responsable des ressources humaines du Shin Beth. L’armée israélienne n’échappe pas à cette tendance. Elle a demandé au ministère des Finances le feu vert pour recruter grâce à des contrats individuels certains de ses employés non militaires travaillant dans les unités technologiques d’élite.

Cette symbiose entre toutes ces institutions et le monde des affaires s’est aussi traduite par des investissements directs dans le high-tech. Le Mossad a ainsi créé en 2017 un fonds, surnommé Libertad, chargé de prendre des participations dans les start-up naissantes spécialisées par exemple dans l’encryptage de données à grande vitesse, des logiciels d’identification, dans la robotique terrestre, maritime et aérienne. L’agence, en échange des fonds apportés, ne demande qu’à pouvoir utiliser les technologies développées, sans réclamer le versement de royalties ou un droit de regard sur la propriété intellectuelle. En d’autres termes, l’investisseur s’engage à garder profil bas.

Le Shin Beth n’est pas en reste. Il a lancé une opération du même genre surnommée le «garage», une allusion à Apple, Google et Amazon, dont la légende veut que ces mastodontes aient été créés dans des garages par de brillants jeunes gens. Au printemps de cette année, le Shin Beth avait déjà investi dans 33 start-up avec un taux de réussite de plus de 50 % pour ces jeunes pousses parvenues à franchir les premières étapes de leur développement.