i24NEWS tisse sa toile au Proche-Orient

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La chaîne d’information en continu du tycoon des télécoms Patrick Drahi, créée en 2013 à Tel Aviv-Jaffa, s’est installée récemment à Dubaï. Une évolution permise par le rapprochement diplomatique entre Israël et plusieurs pays arabes, dont les Emirats arabes unis.

Face à la mer, un immense open space réunit 150 journalistes des trois rédactions anglaise, française et arabe de i24NEWS, basée à Tel Aviv. Cette unique salle de rédaction, où se croisent juifs et arabes, est l’une des pierres angulaires de la chaîne d’information en continu lancée en 2013 par le tycoon des télécoms Patrick Drahi, notamment propriétaire de SFR en France.

« Elle permet une synergie sur le plan budgétaire, mais aussi sur le plan humain et celui des contenus. Une seule newsroom, une seule conférence de rédaction et, sur le terrain, une seule équipe technique par sujet avec un journaliste pour chacune des trois rédactions ; c’est cela le côté avant-gardiste », remarque Frank Melloul, directeur de la chaîne. « Dès le départ, i24 a été un média de coexistence. Patrick Drahi voulait créer la France 24 du Moyen-Orient. »

Un bureau à Dubaï

Aujourd’hui, la chaîne serait disponible dans plus d’un milliard de foyers dans le monde. Et elle a ouvert des bureaux à Paris, New York, Washington, Los Angeles et, depuis cet été, à Dubaï, grâce au rapprochement diplomatique opéré entre Israël et les Emirats arabes unis.

Le 13 août 2020, le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou annonce l’établissement « d’une paix entière et normale » entre Israël et les Emirats arabes unis. En septembre, c’est la signature des accords d’Abraham à Washington. Un évènement politique majeur dans la région.

Dès décembre 2020, Frank Melloul signe un accord avec Abu Dhabi Media. D’autres suivent au printemps avec le Bureau des médias du gouvernement de Dubaï, Etisalat, DU, Gulf News, Motivate Media Group et Intermedia. En fin de compte, la chaîne a établi des partenariats aux Emirats arabes unis sur les plans technique, commercial et rédactionnel.

Des discussions sont en cours avec le Bahreïn et le Maroc, deux autres signataires des accords d’Abraham. « La régionalisation n’était pas l’objectif de la chaîne, mais cela fait partie de son ADN. Dès lors qu’on crée une triple rédaction, c’est que l’on a une vision de la région », estime Daniel Shek, ancien ambassadeur d’Israël en France qui intervient régulièrement sur la chaîne.

« La plupart de ces partenariats ont été signés dix jours seulement après le cessez-le-feu entre Israël et le Hamas en mai dernier », souligne Frank Melloul, comme pour rappeler que ce pont israélo-émirati se construit en dépit du conflit israélo-palestinien. « Un média est un observateur de la réalité. C’est ce que nous sommes, mais de fait nous sommes aussi devenus acteurs de la construction d’un nouveau Moyen-Orient. »

Un média «complexe »

Mais, quel est ce nouveau Moyen-Orient ? « C’est un monde où l’on privilégie l’amitié avec Dubaï plutôt qu’avec Ramallah », remarque un observateur extérieur, qui connaît bien la chaîne. De fait, si aujourd’hui i24NEWS a ouvert un bureau aux Emirats, elle n’en a pas en Cisjordanie. Pour Jérôme Bourdon, professeur au département Communication de l’université de Tel Aviv, « i24NEWS est un média complexe, qui fait un compromis permanent entre le professionnalisme journalistique et les relations publiques destinées à redresser l’image d’Israël ».

L’expert souligne que «la chaîne met en avant des sujets porteurs comme le dynamisme technologique ou la diversité culturelle qui sont des réalités indéniables du pays, mais tend à négliger ceux qui fâchent comme les exactions commises dans le cadre de l’occupation ».

« i24NEWS, comme France 24 ou Al Jazeera, participe de l’émergence d’un soft power, la média diplomatie : il s’agit de créer des médias internationaux pour relayer le point de vue d’un Etat. Ici, la spécificité est que le fondateur n’est pas un Etat, mais un homme d’affaires franco-israélien richissime, Patrick Drahi, qui a choisi de s’engager pour Israël », ajoute Jérôme Bourdon.

Catherine Dupeyron

Source lesechos