Il y a 50 ans… comment Intel a inventé le microprocesseur

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Commandée pour équiper une grosse calculatrice, l’unité centrale de traitement (CPU) 4004 fournit, pour la première fois dans une forme miniaturisée, la puissance de calcul d’ordinateurs massifs. Une révolution dans l’histoire de l’informatique grand public commercialisée en novembre 1971.

Un plus petit ordinateur pour l’homme, un grand pas pour l’informatique. En 1969, le fabricant japonais de calculatrices Busicom commande un système de circuits intégrés à Intel, une entreprise fondée un an plus tôt à Santa Clara (Californie) par trois docteurs en chimie et en physique. La jeune pousse se contente à l’époque de produire des puces mémoires qui hébergent les petits logiciels et les donnés de calculs.

Le cahier des charges prévoit 12 puces sur-mesure, mais une équipe d’employés visionnaires – Marcian « Ted » Hoff, Stan Mazor et Federico Faggin – parvient au bout de deux ans de travaux à réduire la taille à quatre puces, dont un microprocesseur baptisé le 4004. De la taille d’un ongle, la puce en silicium comporte 2 300 transistors et exécute environ 92 000 instructions par seconde. Soit la même performance de calcul que les premiers ordinateurs modernes utilisés depuis les années 1950, qui tiennent dans une grande pièce.

« Plus qu’un symbole, c’est une étape importante car ce microprocesseur a confirmé qu’il était possible de faire tenir un ordinateur minimal de 4 bits sur une puce », explique Pierre-Éric Mounier-Kuhn, chercheur au CNRS et historien de l’informatique.

Le premier microprocesseur abordable

Moins puissant que les micro-ordinateurs vendus à l’époque, le CPU 4004 se distingue par sa compacité qui ouvre la voie à son intégration dans les vénérables ancêtres des PC actuels, les micro-ordinateurs. Surtout, le système avec les 4 puces ne coûte que 200 dollars, une fraction des ordinateurs équivalents vendus près de 20 000 dollars.

« C’était la première fois qu’un composant d’ordinateur aussi petit était programmable pour faire des opérations de calcul, cela a tout changé pour Intel et pour le monde de l’informatique », rappelle Shlomit Weiss, vice-présidente d’Intel en charge du développement des puces actuelles comme le Core i9-12900K.

« Il était moins puissant, mais il pouvait être produit en grande quantité et des développeurs pouvaient greffer des programmes autour des puces. Donc il était bien adapté au pilotage des imprimantes, pour faire tourner des lecteurs de disques magnétiques ou des feux de signalisation », met en perspective Pierre-Éric Mounier-Kuhn, auteur de « L’Histoire illustrée de l’informatique » (éd. EDP Sciences).

Un coup marketing de génie

Concepteur de l’architecture du microprocesseur, Federico Faggin sent le potentiel commercial de l’invention et pousse en interne pour renégocier les droits d’exclusivité que le fabricant japonais a verrouillé lors de sa commande. Dans un coup de pouce du destin qui a fait la légende marketing d’Intel, Busicom connaît des difficultés financières et Intel rachète les droits commerciaux du « Forty-0-4 » pour tous les autres usages que les calculatrices et le lance sur le marché en novembre 1971.

Convaincu par la viabilité de son produit, le fabricant américain planche aussi sur ses successeurs – non sans difficulté – pour passer à l’étape suivante. « Le 4004 était si révolutionnaire qu’il a fallu environ cinq ans à Intel pour apprendre aux ingénieurs comment construire de nouveaux produits basés sur les microprocesseurs », a récemment souligné le co-inventeur Stan Mazor.

Viendront ensuite le 8008 puis le 8080, la puce d’Intel qui va démocratiser les micro-ordinateurs en les faisant entrer dans les foyers (qui en ont les moyens) à l’aube des années 1980. Dotés de plusieurs milliards de transistors, les processeurs actuels d’Intel sont, eux, gravés en 10 nm, soit 1 000 fois plus petits que l’original.

Pionnier dans le développement de ces composants actuellement en pénurie, Intel a défriché un secteur où les fabricants asiatiques Samsung ou TSMC ont progressivement pris le contrôle et où il faut désormais créer et certifier pendant deux ans une usine « Fab » à chaque lancement de nouveau processeur.

Source leparisien