Simon Horwitz, à la tête du restaurant Elmer et de son annexe épicière, fait un magnifique sandwich de pastrami et pickles, passions héritées de sa famille.
« Avant même que je ne commence à faire la cuisine, mon père m’a dit qu’il faudrait que je fasse du pastrami. J’ai des origines européennes mixtes : famille paternelle juive allemande, arrivée en France pendant la seconde guerre mondiale, famille arménienne du côté de ma mère… Mon frère et moi sommes nés à Paris et avons baigné dans (et mangé) cette pluriculture toute notre enfance.
Lorsque nous étions petits, c’était plutôt mon père qui cuisinait, souvent des plats en sauce, poulet aux épices, viandes sautées ou mijotées. Rien de très connoté, à l’exception du “pâté juif” aux foies de volaille et de quelques fêtes traditionnelles du temps de mon grand-père. Ceci étant dit, mon père était capable de traverser tout Paris pour acheter les meilleurs picklefleisch (viande de bœuf saumurée) et pastrami (viande de bœuf fumée et saumurée), produits dont il raffolait. C’est toujours resté ancré en moi.
Il y a une dizaine d’années, je suis parti au Canada avec Jean-André Charial, mon patron à L’Oustau de Baumanière (Les Baux-de-Provence), et la première chose que j’ai faite en arrivant à Montréal, c’est aller chez Schwartz’s Deli, la légendaire charcuterie hébraïque, pour commander un sandwich au pastrami.
Lorsque j’ai ouvert mon propre restaurant en 2015, et comme l’avait prédit mon père, je me suis mis à faire mon propre pastrami. J’ai cherché à reproduire le goût qui me restait en mémoire, et j’ai mis du temps à obtenir un résultat satisfaisant, car c’est un processus long et complexe.
On part d’une poitrine de bœuf fraîche, qu’il faut mettre en saumure (eau salée) pendant plusieurs jours, rincer et laisser égoutter trois jours, puis mariner longuement dans un mélange d’épices (graines de coriandre, moutarde, cumin, paprika, fenouil…), puis fumer aux ceps de vigne avant de la cuire à basse température (sous vide ou à l’étouffée) pendant quarante-huit heures et de la laisser reposer dans son jus encore quelques jours. Cela prend énormément de temps, mais grâce à la cuisson sous vide et au choix de morceaux un peu plus gras, j’ai fini par obtenir la texture fondante que je recherchais.
Deux ans après l’ouverture du restaurant, nous avons ouvert une petite épicerie de l’autre côté de la rue où nous proposons des sandwichs. Pendant les confinements, nous avons maintenu l’activité “vente à emporter” à l’épicerie, mais il nous a semblé évident qu’il fallait proposer des sandwichs améliorés, plus cuisinés. Le sandwich est facile à manger, sans ustensiles ni contenants, mais quand le client n’a pas d’autre choix, il faut pouvoir proposer des alternatives au jambon-beurre – même si j’adore le jambon-beurre.
On a développé un sandwich à base de pain de mie maison, en grosses tranches, façon katsu sando (sandwich japonais), et décidé de marier notre pastrami avec de l’avocat et du chou rouge en salade. Le résultat est un sandwich savoureux, très soyeux, légèrement toasté et relevé, qui se mange avec les doigts mais qui est un vrai plat, quelle que soit la circonstance. »
Elmer épicerie et restaurant, 19 et 30, rue Notre-Dame-de-Nazareth, Paris 3e.