Nous sommes tous des juifs noirs, par Michel Taube

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Nous sommes tous des juifs noirs. Faut-il un amendement à la loi Taubira reconnaissant les juifs comme victimes de la politique esclavagiste de la France ? L’édito de Michel Taube.

Il y a vingt ans jour pour jour, le 21 mai 2001, la loi dite Taubira reconnaissait que la traite négrière transatlantique et l’esclavage constituent un crime contre l’humanité.

Cette loi, dans son article 1, remonte aux confins du Moyen-Âge et de la Renaissance pour rappeler les prémisses de ce système d’oppression. Faisons donc résonner l’article 1 du Code noir, édit royal de Louis XIV, préparé par Colbert, qui enjoigna en 1685 les troupes royales à aller soumettre à l’esclavage les habitants des futures colonies de la France. Cet article est toujours occulté par les mémorialistes de cette histoire tragique. Il vaut le détour : « […] enjoignons à tous nos officiers de chasser de nos dites îles tous les juifs qui y ont établi leur résidence ».

L’acte fondateur de la traite négrière et de l’esclavage français est donc aussi une loi antisémite !

Oui l’esclavage (et non la colonisation comme le proclama abusivement le candidat Emmanuel Macron le 15 février 2017 à Alger) est un crime contre l’humanité : le seul fait de considérer une personne comme « bien meuble » est une négation de son humanité, de l’humanité.

Mais cette histoire doit être affrontée de façon posée, complexe et surtout dans une « résilience positive » et non vengeresse comme le prône l‘historien ivoirien Gildas Bi Kakou dans l’émission « Vous m’en direz des nouvelles » de Jean-François Cadet sur RFI et comme y œuvrent le Musée d’Histoire de Nantes et le Mémorial de l’Abolition de l’Esclavage dans l’ancien port négrier de France.

Histoire complexe ? Oui, l’esclavage est encore pratiqué aujourd’hui, notamment dans la péninsule arabique. Oui, les dirigeants africains, de la Renaissance à la période actuelle post-coloniale, furent et sont co-responsables de ce système : c’est Claudy Siar, une autre signature de RFI, qui fait de cette épine dans la mémoire collective de l’Afrique un combat personnel… trop peu relayé sur le continent noir.

Résilience positive ? Certes, Emmanuel Macron a raison d’aller à Kigali la semaine prochaine demander pardon au peuple rwandais. Comme l’ont déjà fait les Belges, les Américains et les Canadiens. Il ne s’agit point tant d’abjurer tel ou tel crime imaginaire qu’aurait commis la France sinon la complicité de l’Elysée de Mitterrand avec le régime génocidaire du président rwandais à l’époque, Juvénal Habyarimana, qui en constitue bien un. Ni de nous auto-flageller, sport national français. Mais face à un crime contre l’humanité, c’est toute la communauté internationale qui devrait s’incliner.

Mais pour revenir à la loi Taubira, à l’acte fondateur de l’esclavage et à son volet antisémite, oui, nous sommes tous des juifs noirs ! La communauté juive devrait servir d’exemple aux Français d’origine africaine pour que ces derniers concourent au récit national français sans tomber dans la haine de la France. Et pourtant, les juifs furent victimes de la France. Exterminés par millions en Europe il y a à peine quatre-vingt ans.

Je vais vous conter une petite histoire : tous les soirs à 22h06 la cloche de la cathédrale de Strasbourg résonne à tue-tête. Ce « concert », la Zehnerglock ou Judenglock, remonte au Moyen-Âge lorsque le carillon enjoignait tous les soirs les juifs, les « faubourgeois », de quitter l’hyper centre de la cité alsacienne où ils n’avaient pas le droit d’habiter. Quelques siècles plus tard, il se dit que le carillon résonne pour sonner la fin des activités commerçantes et inciter les Strasbourgeois à aller se coucher ! Le couvre-feu contre le Covid y trouverait-il une justification historique inédite… Allons donc !

Viendrait-ils aux juifs de Strasbourg d’incendier la belle Dame de grès rouge comme des idiots en Guyane et à la Martinique déboulonnèrent récemment des statues de Victor Schœlcher, père de l’abolition de l’esclavage en 1848 mais accusé d’avoir plus veillé à indemniser les propriétaires d’esclaves que les esclaves eux-mêmes ?

Viendrait-ils aux juifs de demander que Voltaire soit banni du Panthéon parce qu’il était antisémite comme des indigénistes sont sur le point de l’exiger de Jules Ferry parce que le père de l’école laïque, gratuite et obligatoire était un chaud partisan de la colonisation ?

Est-ce de la résilience positive d’avoir le CNRS qui crée une base de données « Escalavage & indemnités » retraçant l’attribution, la circulation et la descendance des titres d’indemnités au 19e siècle dans les anciennes colonies esclavagistes françaises ? Etrangement celle-ci est inaccessible depuis quelques jours ! En revanche, est bien disponible une carte interactive permettant de visualiser et de comparer les politiques en termes de versement des indemnités par le passé, les politiques de réparation et les revendications actuelles de mémoire. Le Figaro s’en émeut sous un titre choc : « Descendez-vous d’un propriétaire d’esclaves ? ».

Viendrait-il enfin aux juifs de demander que la loi Taubira ajoute en son article 1 que les juifs furent les premiers désignés comme cibles de l’exclusion que le code noir imposa avec l’esclavage dans le royaume de France ?

Si la résilience positive est certes une œuvre mémorielle (c’est la Fondation pour la mémoire de la Shoah qui constitue le plus grand bailleur de fonds du travail de mémoire sur le génocide des Tutsi perpétré au Rwanda en 1994), elle vise non à culpabiliser les descendants de criminels mais à bâtir des mémoires partagées. C’est surtout un programme pour bâtir l’avenir et œuvrer à ce que ces crimes ne se reproduisent plus : plus jamais ça !

Nous sommes loin d’en prendre le chemin. Les champions du « Black lives matter » à la française, indigénistes, islamo-gauchistes et haineux de la France, re-racialisent nos sociétés, recréent un système idéologique raciste de confrontation entre communautés et créent intentionnellement un climat insurrectionnel qui va finir en guerre civile si nous ne savons les arrêter de nuire.

Malgré elle, la loi Taubira serait-elle devenue une boîte de Pandore ?

Michel Taube