Il n’y a pas si longtemps, lorsque Lotem Benbenishti était encore serveuse, la plage était un endroit où se prélasser le weekend. Aujourd’hui, c’est le lieu de travail de cette Israélienne qui, comme d’autres, a changé d’emploi à cause de la pandémie de nouveau coronavirus.
A l’instar de nombreux pays, Israël a vu des dizaines de milliers de personnes perdre leur emploi, surtout dans l’industrie des services mise à l’arrêt par des mesures de confinement destinées à lutter contre la propagation du virus. Pour de nombreux travailleurs, les indemnités chômage n’ont pas été suffisantes, d’où le besoin pressant de trouver un autre emploi.
Sur la plage ensoleillée de Netanya, dans le centre d’Israël, Lotem Benbenishti se penche pour saisir un bout de plastique, puis le met dans son sac poubelle. Cette Israélienne de 28 ans qui, avant la crise sanitaire, composait des cocktails derrière un bar, est payée pendant six mois par l’Autorité de la nature et des parcs pour dépolluer des sites naturels.
Son directeur, Shaul Goldstein, a vu un potentiel en Lotem et en tous ceux que le virus a laissés sur le carreau. « J’ai pensé à ces gens, assis chez eux, qui en fin de compte n’avaient aucune raison de se lever le matin », explique-t-il à l’AFP. Il a donc demandé au ministère des Finances des subventions pour employer 50.000 chômeurs, chargés de nettoyer des sites naturels.
Après avoir reçu le feu vert pour 500 personnes seulement, il a recruté des moniteurs d’auto-école, des coachs sportifs ou encore des DJs, qui se baladent désormais avec un sac plastique à la recherche de détritus ou de mauvaises herbes. « Je voulais lancer ce projet indépendamment du coronavirus », raconte M. Goldstein, expliquant avoir « saisi l’opportunité » de toute cette main-d’œuvre soudainement disponible.
Nouvelle routine
Lotem Benbenishti, qui a passé six mois chez elle lorsque son établissement a fermé, reconnaît que se pencher toute la journée à la recherche de plastiques indésirables est plus fatigant que d’être serveuse. Mais « c’est plus gratifiant », estime-t-elle.
Selon le Bureau israélien des statistiques, 19% de la population active, soit plus de 750.000 personnes, étaient au chômage ou en congé sans solde fin septembre. En février, avant que le pays de neuf millions d’habitants ne recense son premier cas de coronavirus, le taux de chômage était de 3%.
La gestion de la crise sanitaire et de la crise économique par les autorités est à l’origine d’un vaste mouvement de contestation qui vise en particulier le Premier ministre Benjamin Netanyahu. Chaque semaine depuis juillet, des milliers de personnes manifestent et réclament notamment plus d’aides financières. Il n’existe pas de données officielles concernant les changements de carrières ou les suivis de formation, mais il semblerait que la tendance soit en hausse.
Lidor Cohen, 30 ans, est passé des Philippines où il a été caméraman pour la version israélienne de « Koh Lanta », à un gratte-ciel de Tel-Aviv, où il travaille désormais dans l’informatique. « Quand la pandémie a débuté, j’ai passé deux mois à la maison et je me suis rendu compte que rien n’allait se passer », dit-il.
Alors Lidor a commencé une formation puis a été recruté par Cybereason, une entreprise spécialisée dans la protection contre les cyber-attaques. Un changement de vie majeur, dit-il. « Mon dos n’était pas habitué à ce genre de routine! ». Mais il compte bien faire sa place dans la high-tech, en partie parce que les salaires y sont plus élevés. En plus, ses nouveaux employeurs ont accepté de lui accorder des congés de temps à autre pour aller filmer une autre saison de « Koh Lanta ».
« Au calme »
Dans une pépinière à l’ouest de Jérusalem, Medan Press s’affaire avec des plants, sans aucune nostalgie pour son ancien travail dans une usine d’aluminium. « Je passais la journée derrière une fraiseuse, sans une minute à moi », explique le jeune homme. « Ici, je suis au calme », dit celui qui a changé de carrière grâce à une ONG qui aide au recrutement dans l’agriculture.
Hashomer Hachadash (« La nouvelle garde » en hébreu) indique avoir aidé quelque 500 personnes à trouver un nouvel emploi, en contrat à durée déterminée ou indéterminée, depuis le début de la pandémie. « Le coronavirus m’a permis de quitter l’usine et de trouver un travail bien pour moi et pour mon esprit », raconte M. Press, qui ne compte pas quitter cet emploi: « Faire pousser des plantes, qu’est-ce qu’il peut y avoir de mieux? ».