La mesure, qui doit s’appliquer au terme de l’hiver prochain, pourrait porter un nouveau coup à l’activité des restaurateurs et patrons de bars dont les terrasses sont équipées de chauffage. Mais les professionnels reprochent surtout au gouvernement de ne pas les avoir consultés.
« C’est un chiffon rouge agité sous le nez de professionnels qui sont au bord de la faillite. Ce n’était vraiment pas le moment ». C’est peu de le dire : l’interdiction prochaine des terrasses chauffées, annoncée lundi par Barbara Pompili, n’a pas suscité un enthousiasme débordant du côté du Groupement national des indépendants de l’hôtellerie et la restauration (GNI). Le syndicat craint que la mesure, qui devrait intervenir au terme de l’hiver prochain, ne porte le coup de grâce à certains établissements mis à genoux par la crise sanitaire.
La profession semble s’accorder sur ce point : le chauffage en terrasse entraîne une hausse du chiffre d’affaires de l’ordre de 30 %. L’investissement de départ, entre l’acquisition du matériel et l’installation, peut quant à lui atteindre 10.000 à 15.000 euros pour les plus grandes surfaces. Pour certains, ce matériel sera définitivement perdu, car invendable. « On n’est pas encore sorti du Covid qu’on nous annonce une nouvelle contrainte pour les bars », soupire David Zenouda, membre de l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie (Umih), l’autre grand syndicat du secteur.
Un timing discutable
A Rennes, l’interdiction des terrasses chauffées, décidée par la municipalité, est entrée en vigueur le 1er janvier dernier. Avec à la clé, une perte de revenus pour les professionnels « de 10 à 15 % » sur les deux mois et demi précédant la crise sanitaire.
Pour autant, la mesure a été bien acceptée, y compris par les organisations syndicales. Car sur le fond, tout le monde semble s’accorder sur la nécessité d’arrêter de « chauffer dehors ». En Bretagne, « l’interdiction a fait consensus. Il faut être sérieux, et arrêter le gaspillage », reconnaît Catherine Querard, présidente du GNI dans le Grand Ouest.
« Mais entre les régions les opinions ne sont pas forcément les mêmes. Et le timing politique ne correspond pas vraiment à la situation économique : alors que le marché parisien est en train de s’effondrer, la méthode est un peu brutale. Derrière l’environnement, il y a aussi des hommes et des femmes qui travaillent ».
Discussions à venir
C’est bien là que le bât blesse. Pris au dépourvu, les acteurs de la profession dénoncent moins la mesure que le manque de concertation en amont. « Cette interdiction, on l’attendait, on l’anticipait, et on la comprend. Mais le message est plus difficile à appréhender dans cette période », confirme Christophe Weber, le directeur de l’Umih dans le Bas-Rhin. « Ce n’était pas le bon moment », abonde David Zenouda. « La transition écologique est déjà un sujet majeur dans la profession. On privilégie désormais les vins bio, les circuits courts, etc. »
Du côté du ministère de la Transition écologique, on se dit « tout à fait conscient » de la période délicate traversée par les restaurateurs. « A ce titre, nous avons voulu donner de la visibilité à la profession, avec une mesure qui n’interviendra qu’après l’hiver. Nous serons à l’écoute il y aura des discussions pour discuter de certaines modalités », notamment la date exacte d’application. Des discussions qui commenceront dès ce mercredi entre les acteurs de la filière, les parlementaires, et les représentants de l’Etat.
Yann Duvert