Coronavirus : vers une deuxième vague de l’épidémie en Israël ?

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Dans l’ensemble du pays, 14 000 jeunes et enseignants sont de nouveau confinés, après que la canicule a eu raison des mesures de distanciation.

Jeudi 28 mai, l’information est loin de faire le buzz : trois élèves de l’un des plus anciens lycées de Jérusalem, le Gymnasia HaHivri, ont été diagnostiqués positifs au Covid-19. Pour les Israéliens qui s’apprêtent à célébrer Shavouot, la fête du Don de la Torah et des Moissons, le déconfinement est à l’ordre du jour. Avec la réouverture des écoles, des plages, des parcs, des hôtels, et celle même partielle des bars, cafés et restaurants, l’heure est à l’euphorie, avec au sein de la population, un slogan : « Le corona, c’est fini ! »

Hélas, après la fête et le week-end qui a suivi, le réveil a été douloureux. Depuis, la courbe des contaminations est de nouveau à la hausse. Première ville concernée : Jérusalem. Cette fois, les foyers infectieux ne sont pas les quartiers ultraorthodoxes, mais les établissements scolaires laïques. En quelques jours, l’épidémie, partie du Gymnasia, a touché de nombreuses écoles – du primaire au secondaire en passant par des jardins d’enfants et maternelles. Il faut dire que ce lycée est un établissement régional. Son millier d’élèves et ses enseignants viennent de l’ensemble du Grand Jérusalem, souvent en transports scolaires. Sans oublier les activités périscolaires de l’après-midi, sport, scoutisme, qui se déroulent avec les élèves d’autres écoles, laïques ou religieuses libérales. Résultat : en huit jours, à Jérusalem, on est passé de 3 malades à 213, élèves et enseignants. Une dizaine d’écoles sont fermées ; d’autres le sont partiellement, avec les enfants de nombreuses classes en confinement. Tandis que beaucoup de parents, qui étaient de retour au travail, ont vu leurs employeurs les prier de rester chez eux.

Mais la reprise de l’épidémie ne concerne pas que Jérusalem. En fait, l’ensemble du pays est touché. Ce sont, aujourd’hui, près de 90 établissements d’enseignement qui sont fermés, avec un total de 301 élèves et profs contaminés. Près de 14 000 jeunes et enseignants sont de nouveau confinés.

Comment en est-on arrivé là ? Si, lors de la réouverture des écoles, début mai, les consignes du ministère de la Santé ont été observées – mises en place de petits groupes d’élèves, respect des distances sociales, port du masque –, très vite on est revenu à la vie d’avant : classes surchargées où la distanciation sociale n’était qu’un vieux souvenir, surtout chez les ados, où étreintes et embrassades ont vite repris leur droit, alors que le masque était devenu « tour du cou » ou ornement au fond du sac. Les profs et surveillants ont vite baissé les bras, devant l’inefficacité de leurs rappels à l’ordre.

La longue période de canicule qui a frappé la région n’a rien arrangé. D’autant plus qu’en raison des fortes chaleurs, le ministère de la Santé a annoncé que tous les élèves du pays étaient dispensés du port du masque en classe. Cet épisode météo et la rapidité du déconfinement pour remettre l’économie en marche ont eu raison de la sécurité sanitaire. Interrogés par les médias, les jeunes des lycées racontent tous la même histoire, comme Talia, élève de seconde à Jérusalem et de retour à la maison : « C’est vrai, à la porte du lycée, nous avions tous le masque, mais après, c’était relâche. C’était très dur de les mettre en cours. Alors dès qu’on pouvait, on les enlevait. Et puis à la récréation, les gestes barrières étaient oubliés. Après les cours, c’était balades en groupes dans les cafés du quartier. En fait, aujourd’hui, je suis très soulagée d’être de nouveau à la maison avec des cours par Zoom ! »

Bras de fer entre les ministres de l’Éducation et de la Santé

Alors va-t-on vers une nouvelle fermeture de tous les établissements scolaires du pays ? Pour l’instant, non ! Le nouveau ministre de l’Éducation, Yoav Galant, est contre. Selon lui, les taux actuels de contamination ne justifient pas une telle mesure : « Ce serait, a-t-il dit, un coup irresponsable porté aux élèves, aux parents et aux enseignants. » À en croire les médias, il serait très remonté contre le ministère de la Santé, qu’il accuse de « semer la panique ». Reste qu’il a visiblement le soutien de Benyamin Netanyahou. Le Premier ministre, tout en rappelant à la population l’importance des gestes barrières, a seulement décidé de la fermeture de toute école où « ne serait-ce qu’un seul cas de coronavirus serait détecté ». Bien décidé à continuer sur sa lancée, Yoav Galant a, de son côté, annoncé que les municipalités et directeurs d’écoles avaient toute latitude de décider d’un retour ou non à l’enseignement à distance. Ce qui a eu le don de faire bondir le président du Syndicat des enseignants du secondaire. Dans une lettre envoyée à ses adhérents, il dénonce « la quasi-anarchie qui règne au sein du ministère, avec l’annonce de décisions qui n’engagent plus sa responsabilité mais la vôtre, en cas de problèmes liés au Covid-19 ».

La Knesset fermée toute la journée, après qu’un député a été testé positif

En attendant, le virus a fait une dernière victime dans les institutions du pays. Hier, jeudi, la Knesset a été fermée toute la journée, après qu’un député, Sami Abu Shehadeh, de la liste arabe, a été testé positif. Ne se sachant pas porteur, il aurait, au cours des derniers jours, rencontré beaucoup de monde. Des activités au cours desquelles, il n’aurait pas porté de masque ; plusieurs clichés de lui le prouvent. D’où son message sur Twitter : « J’appelle quiconque ayant été en contact proche avec moi à s’isoler et à un faire un test. Respectez les instructions du ministère de la Santé. Le virus existe toujours et le retour à la routine facilite sa propagation de manière rapide et importante. »

Nombreuses infractions à l’interdiction des rassemblements de plus de 50 personnes

Un message que ne cessent de marteler les responsables de la Santé, avec cette remontée de la courbe des contaminations, mais que le grand public a du mal à intégrer. En témoignent les nombreuses infractions à l’interdiction des rassemblements de plus de 50 personnes : fans de football qui fêtent la victoire de leur équipe ! Soirées de célébrités ou plages bondées, sans aucune distance sociale. Ce vendredi matin, en Israël, le bilan depuis le début de la pandémie était le suivant : sur 17 495 malades du Covid-19. 15 013 ont guéri. 291 sont décédés. 2 191 sont malades, dont 23 sous respirateur.

Danièle Kriegel

Source lepoint