Simone Veil, héroïne du XXe siècle

Abonnez-vous à la newsletter

Le deuxième volume de la collection du « Monde », « Femmes d’exception », est consacré au parcours de cette femme politique jamais résignée, défenseuse de la cause de femmes et ardente mémoire de la Shoah.

Magistrate, ministre, première femme aux commandes du Parlement européen, Simone Veil a incarné le XXe siècle, en embrassant ses épreuves, ses mutations et ses espoirs. Le deuxième volume de la collection du Monde « Femmes d’exception » retrace la vie de Simone-Annie Jacob, de la douceur choyée d’une enfance niçoise jusqu’au plus solennel des hommages républicains : son transfert au Panthéon.

Son saisissant parcours révèle une adolescente intuitive qui pressent, dans la montée des populismes en Espagne et en Allemagne, de futures dérives totalitaires. Combative, pragmatique et humaniste, la rescapée des camps d’Auschwitz et de Bergen-Belsen, garde à jamais son numéro de détenue (78651) tatoué sur son bras. Elle ne cherchera ni à l’effacer ni à l’oublier, l’arborant même, des décennies plus tard, sur le fil de son épée d’académicienne, comme une victoire sur l’infamie. Sa force de survivante qui lui fait dépasser ses intimes traumatismes et la perte des siens, est probablement la clé de ses combats pour la dignité humaine, la liberté des femmes, la marche vers une Europe de la paix…

Une habile politique

Héroïne aussi passionnée que pudique, Simone Veil colle à un XXe siècle de bouleversement et d’effroi. Refusant toute résignation comme on relève un défi, elle compose, avec conviction, la rencontre réussie de ses traditions juives et de l’esprit des Lumières. En habile politique, elle offre à ses adversaires la clarté de la justesse et l’évidence de la justice. Ce sont en 1975, quelque vingt-cinq heures de violents débats qui précèdent la promulgation de la loi autorisant l’interruption volontaire de grossesse. Pour y parvenir, la ministre du président Giscard d’Estaing s’est alliée en amont avec les autorités catholiques et 343 signataires de renom (dont Jeanne Moreau, Françoise Sagan, Marguerite Duras…).

C’est aussi, en 1984 son accession, par le suffrage universel, à la présidence du Parlement européen. En tête de liste de l’UDF, elle devance le RPR de Jacques Chirac, le PS de François Mitterrand et le PC de Georges Marchais. Et lorsque la chute du mur de Berlin redessine le destin de l’Europe, le couple Veil crée le club Vauban – think tank avant l’heure –, qui défend l’esprit d’une Europe confédérée, proche de la vision de Raymond Aron, et convie à ses réflexions Michel Rocard, Dominique Strauss-Kahn, Angela Merkel…

Fine analyste, rempart aux populismes, ardente mémoire de la Shoah, Simone Veil retourne en 2005 à Auschwitz, accompagnée de sa famille. Le message est clair et l’hebdomadaire Paris Match s’en fait le relais. Cette mère et grand-mère témoigne encore et jusqu’au bout de sa vie contre l’oppression et la barbarie. C’est donc en femme d’Etat que la France l’honore en 2017, en l’accueillant avec son époux au Panthéon. Un émouvant hommage qui ne célèbre pas seulement une vie menée au service d’une idée de la France et de la nation, du droit de chacun et du vivre-ensemble, mais qui consacre l’amour d’un couple, clé et socle d’un destin partagé.

Source lemonde