Frédéric Zeitoun a enregistré avec Charles Aznavour son dernier duo

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Avant d’être chroniqueur à la télévision, Frédéric Zeitoun se voyait d’abord chansonnier. Parolier pour de nombreux artistes, il se produit sur scène depuis une dizaine d’années en interprétant ses propres chansons.

L’année dernière nait ce projet d’un album de duos qui sort ce 5 avril : Aznavour, Fugain, Lemay… viennent apporter un regard nouveau sur les compositions du « petit juif à roulettes ».

Le dernier duo enregistré par Charles Aznavour

Le disque s’ouvre sur un duo poignant. « Bien au contraire » est le dernier duo enregistré par Charles Aznavour en mai 2018, soit quelques mois avant son décès. Celui qui était l’un des derniers géants de la chanson française a mis en musique ce texte sur le départ du père du parolier, son absence. « Il m’avait par deux fois fait l’honneur de mettre mes textes en musiques, mais de là à pourvoir imaginer qu’un jour il accepterait de chanter en duo notre chanson… »

Une plume pleine d’humour et de tendresse

Ce premier morceau émouvant annonce un album touchant, mais qui ne verse jamais dans le pathos ni l’apitoiement. Au contraire, Frédéric Zeitoun fait souvent preuve d’autodérision et opte toujours pour le rire en guise de remède contre les accidents de la vie. « La politesse du désespoir », chanté ici avec Sanseverino dans un style jazzy-skiffle, exprime bien ce tempérament toujours positif, jamais résigné. Toujours le verre à moitié-plein. C’est aussi le cas sur le reggae slow tempo « Comme tout le monde » avec Doc Gynéco, qui revendique la différence comme un atout.

Cela n’empêche pas la gravité comme dans « La vie continue » avec Lynda Lemay, qui évoque en filigrane l’après des attentats. Mais le texte n’est jamais frontal, la plume de Zeitoun suggère plus qu’elle ne décrit. Et pour conjurer encore plus le mauvais sort, rien de mieux que l’humour décapant et légèrement subversif. Le caribéen « Fromage ou dessert », chanté ici avec Philippe Lavil, ironise sur tous les choix qu’on doit faire dans la vie, jusqu’à « sapin ou merisier ». Et l’impertinent Oldelaf vient pimenter le politiquement incorrect « Pot de départ à la retraite », qui le moins qu’on puisse dire, ne fait pas dans le consensuel.

Autobiographique mais pas nombriliste

Depuis son spectacle « L’histoire enchantée du petit juif à roulettes » en 2013, Frédéric Zeitoun a l’habitude de se conter et se livrer. Sur ses origines, son handicap, son histoire familiale et personnelle. L’amitié pourrait être le maître-mot de ce disque tellement on ressent la sincérité à travers l’interprétation de ces duos, par exemple avec Yves Duteil. Si la mélancolie pointe sur « J’ai appris de la vie », c’est bien l’espoir et la sérénité qui l’emportent. En compagnie de Michel Fugain, il exprime sa philosophie sur le rapport à deux, même après la rupture : « Je ne désaime pas ». Toujours cette bienveillance, et ce refus de verser dans l’animosité gratuite.

Mais heureusement, son parcours n’est pas émaillé que de mauvais souvenirs, et on danse au son des « Vacances chez Franco », qui baignent dans un exotisme de pacotille, délicieusement dépeint à travers ses yeux d’enfant. D’abord chanté avec Chico & The  Gypsies en 2016, c’est ici Enrico Macias qui apporte toute sa verve méditerranéenne à ces tribulations estivales et ensoleillées.

Le « monsieur de la télé »

Enfin, le chroniqueur de « Télématin » et « C’est au programme »  ne pouvait pas ne pas parler de la télévision dans ses chansons. C’est chose faite à travers le jubilatoire « Monsieur de la télé » qui écorne gentiment ses collègues, avec dans cette nouvelle version, la complicité malicieuse de Marie-Paule Belle . « Ma colonne vertébrale, c’est l’amour de la chanson, qu’il s’agisse de l’écrire, de la chroniquer à la télé ou de la chanter. »
Après avoir écrit pour Hugues Aufray, Louis Bertignac, Carlos, Zaz, et bien d’autres, Frédéric Zeitoun prend le micro pour de bon et nous enchante avec cet album de duos. Il parvient même à le clore par une habile mise en abyme, toute en autodérision, et qui donne son titre au disque : « Duo en solitaire », ou comment s’affranchir des figures imposées de la chanson. Tout un programme.