Israël dénonce un jugement « antisémite »

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La Cour pénale internationale de La Haye a émis un mandat d’arrêt international contre le Premier ministre israélien et son ancien ministre de la Défense, Yoav Gallant. Les deux responsables sont accusés de crimes contre l’humanité et crimes de guerre. Le coup est rude.

« C’est une décision antisémite, équivalente d’un nouveau procès Dreyfus », le bureau de Benyamin Netanyahou n’avait pas de mots assez durs pour dénoncer ce jeudi la décision des trois juges de la Cour pénale internationale (CPI) de La Haye qui ont émis des mandats d’arrêts internationaux contre le chef du gouvernement israélien et Yoav Gallant, l’ancien ministre de la Défense démis de ses fonctions au début du mois. Ces deux responsables israéliens ont été reconnus coupables de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre dans la bande de Gaza depuis le début du conflit armé dans cette enclave à la suite de massacres commis par le Hamas dans le sud d’Israël, le 7 octobre de l’an dernier.

Le jugement a eu l’effet d’une bombe en Israël qui ne s’attendait pas à un verdict aussi sévère et aussi rapide. Sur le papier, le chef du gouvernement et Yoav Gallant, pourraient être arrêtés lors de leurs déplacements dans un des 120 pays membre de la CPI. Mais selon un juriste israélien, un tel scénario est peu probable car la Cour ne dispose pas des moyens, notamment de forces de police pour appliquer sa sentence. Elle ne peut se fier qu’à la coopération des pays membres.

De plus Israël, tout comme les Etats-Unis, n’est pas membre de la CPI, créée en 2002 pour poursuivre des personnes accusées de génocide, de crime contre l’humanité et de crime de guerre… Malgré tout, le coup infligé est très dur. C’est la première fois dans l’histoire de la CPI que des dirigeants d’un pays démocratique sont sanctionnés. Pour faire bonne mesure, trois dirigeants du Hamas, Mohammed Deif, Ismaïl Haniyeh et Yahya Sinouar, ont également été reconnus coupables des mêmes chefs d’accusations. Mais ces trois responsables islamistes ont été tués ces derniers mois par Israël…

De « fausses accusations »

Les trois juges ont ainsi suivi les recommandations du procureur général Karim Khan. Ce dernier est d’ailleurs devenu la cible d’attaques personnelles d’une rare violence de la part du bureau de Benyamin Netanyahou. « Nous rejetons, avec dégoût, les fausses accusations de la Cour, qui résultent des efforts déployés par Khan pour sauver sa peau à la suite des sérieuses accusations pour harcèlement sexuel portées contre lui et des juges motivés par une haine antisémite contre Israël. » La CPI a annoncé ce mois-ci qu’une investigation allait être ouverte à la suite d’une plainte d’une employée de la Cour à l’encontre du procureur, qui a proclamé son innocence.

Sur le front international, la décision de la CPI va directement à l’encontre de la position de Joe Biden. Le président américain sortant s’est prononcé contre l’émission de mandats d’arrêts internationaux visant Benyamin Netanyahou et Yoav Galant tout en proclamant le droit d’Israël à se défendre contre le Hamas. Mercredi, un porte-parole du Conseil de sécurité nationale de la Maison-Blanche a réagi en indiquant que « les Etats-Unis rejettent catégoriquement la décision de la Cour [pénale internationale, NDLR] d’émettre des mandats d’arrêt contre de hauts responsables israéliens ».

Des pressions sur les juges

Pour ce qui est de la prochaine administration de Donald Trump, le ton est encore plus dur. Le prochain chef de la majorité républicaine au Sénat américain, John Thune, a menacé d’imposer des sanctions contre la CPI si elle décidait de recourir à des mandats d’arrêt contre des responsables israéliens.

Malgré ces pressions, les trois juges ont tenu bon. Selon eux, « il existe de sérieux fondements pour croire que des individus ont intentionnellement et en toute connaissance de cause privé la population de la bande de Gaza de ce qui est nécessaire pour sa survie tel que la nourriture, l’eau, les médicaments, les équipements médicaux, le carburant et l’électricité ».

A ce réquisitoire, Israël a mis en avant le « ratio » relativement faible de victimes collatérales par rapport aux nombres de « terroristes » tués lors des attaques menées par l’armée israélienne dans la bande de Gaza. Les juristes israéliens ont également dénoncé la pratique du Hamas qui consiste à utiliser les civils comme boucliers humains. Les responsables israéliens ont également souligné leurs efforts pour faire parvenir de l’aide humanitaire dans cette enclave miséreuse.

Les Etats-Unis ont exercé à plusieurs reprises des pressions pour que Tsahal cesse d’entraver la fourniture de l’aide humanitaire pour les 2,3 millions de Gazaouis, menacés selon l’ONU d’une « catastrophe humanitaire ». Selon le ministère de la Santé du Hamas, plus 42.000 ont été tués depuis le début de la guerre. Israël affirme de son côté avoir tué 18.000 membres des groupes armés islamistes tout en accusant le Hamas d’utiliser des hôpitaux, des écoles, des mosquées, de domiciles privés pour lancer ses attaques.

Pascal Brunel (Correspondant à Tel Aviv)