Raphaël Morav, ambassadeur d’Israël à Paris, répond aux Echos

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L’ambassadeur d’Israël à Paris affirme aux « Echos » que le tir sur l’hôpital Al-Ahli à Gaza vient bien d’un missile d’une des organisations terroristes de Gaza, et rappelle les règles d’engagement de l’armée israélienne. Il demande à l’Europe de contrôler son aide à Gaza avec plus de vigilance.

Que savez-vous de l’attaque d’un hôpital à Gaza ?

Le 17 octobre, vers 19 heures, l’organisation terroriste du Jihad islamique palestinien a tiré une salve de missiles vers Israël. L’un des missiles a eu une défaillance et il est retombé après son lancement sur l’hôpital Al-Ahli à Gaza, qui était situé à proximité, causant la mort de plusieurs Palestiniens et en blessant de nombreux autres. Tsahal n’a mené aucune opération dans cette zone au moment de l’impact.

Les organisations terroristes de la bande de Gaza opèrent et placent délibérément leurs rampes de lancement de roquette dans des zones densément peuplées, en sachant que des civils seront directement exposés sous leur trajectoire, ce qui les rend particulièrement vulnérables aux tirs ratés. C’est un triste constat qui a été déploré à plusieurs reprises lors des dernières périodes de conflits, où les tirs de missiles ratés du Jihad islamique palestinien ont constitué un extrême danger pour les civils à Gaza.

En réaction aux terribles massacres, Israël affirme vouloir « éradiquer le Hamas ». Comment faire ?

Nous pleurons à ce jour 1.400 civils, des familles entières décimées dans leur maison, 260 jeunes abattus dans un festival de musique, et à ce jour, 3.500 personnes blessées. Le bilan s’est encore alourdi avec maintenant 21 Français décédés et 199 personnes otages de 43 nationalités différentes.

Le bilan de ces attaques est-il définitif ?

Non, malheureusement. C’est encore un bilan provisoire, parce que l’identification des corps n’est pas terminée, notamment car des cadavres ont été piégés. L’Etat identifie plus facilement les militaires décédés, car il dispose de leur ADN. J’ajoute qu’au 17 octobre, plus de 6.600 roquettes et missiles ont été tirés sur Israël, et que ces tirs se poursuivent tous les jours. Nous sommes donc en guerre contre l’organisation terroriste de la bande de Gaza. Nous avons l’obligation et la détermination de faire tomber le Hamas, de détruire ses infrastructures militaires et d’éliminer la menace terroriste qu’il fait peser sur nos citoyens. Parallèlement, Israël fera tout ce qu’elle peut pour protéger les otages, ses frontières et ses citoyens.

Quelles sont les forces du Hamas ? Combien sont-ils ?

Des milliers, pas seulement du Hamas, mais aussi du Jihad islamiste ou de Daech. Mais je ne dispose pas des chiffres. Dans cette guerre, nous faisons tout ce que nous pouvons pour réduire les pertes civiles. On envoie des alertes sur les réseaux sociaux, des tracts papier en arabe. On a demandé que les habitants de la ville de Gaza s’éloignent d’une distance de 20 km, grosso modo l’équivalent de Paris à Versailles, pour être dans une zone qui ne sera pas touchée par les opérations. En même temps, le Hamas appelle les habitants à « se fondre » dans le combat et mène des actions pour les empêcher de partir. Ils se servent des Gazaouis comme boucliers humains. La situation est compliquée mais le Hamas est le responsable.

Israël va-t-il assouplir les règles d’engagement de son armée pour opérer à Gaza ?

Ce n’est pas nécessaire. Il y aura toujours un officier pour chaque frappe, pour évaluer les possibilités de dommage collatéral, car nous, nous respectons le droit international et le droit de la guerre, suivant les mêmes critères qu’auparavant. Israël fait le maximum et parfois aux dépens d’un gain tactique, afin d’éviter les pertes civiles. Les organisations terroristes opèrent délibérément dans des zones peuplées, et nous sommes conscients que le Hamas espère le maximum de pertes civiles, pour obtenir des gains d’image et de communication.

Combien de Gazaouis ont quitté le Nord ?

Je ne sais pas, environ 600.000 auraient rejoint le Sud de Gaza. Plusieurs pays sont en pourparlers avec l’Egypte, notamment pour acheminer de l’aide humanitaire.

Que répondez-vous à ceux qui affirment que le blocus est contraire au droit international et laisserez-vous passer l’aide humanitaire ?

Il n’y a ni blocus ni siège. Nous faisons jouer simplement le droit, reconnu par le droit international, de s’abstenir de ravitailler notre ennemi. Même mardi, UNRWA, l’Agence des Nations unies pour les réfugiés à Gaza, a été pillé par le Hamas, qui s’est emparé de leurs stocks d’essence et de leurs médicaments. La crise humanitaire, c’est ce que fait le Hamas à sa propre population. Nous ne pouvons quand même pas ravitailler en essence et en électricité l’ennemi qui va l’utiliser contre nous. En revanche, dans la bande sud de Gaza, là où nous demandons aux Palestiniens d’aller, nous fournissons de l’eau.

Vous n’êtes donc pas opposé à l’aide humanitaire acheminée à Gaza ?

Non si c’est de l’aide humanitaire . Si c’est de l’essence dont va s’emparer le Hamas, non. L’important, c’est que ce soit une aide pour les civils.

Qu’attendre de la visite du président Joe Biden ?

Premièrement, c’est un geste de solidarité très fort. Nous attendons leur aide et leur appui pour faire au mieux, afin que nous puissions nous protéger et éradiquer le terrorisme dans la bande de Gaza. Nous sommes bien entendu d’accord pour faire en sorte qu’il y ait le moins de victimes civiles possibles.

Et qu’attendez-vous de la France ?

Nous sommes en contact à tous les niveaux. Le président Macron a déjà discuté trois fois avec le Premier ministre Benyamin Netanyahou. Il a mis en garde l’Iran contre toute tentation d’élargir le conflit et s’active pour empêcher l’embrasement sur d’autres fronts. Les liens sont forts.

Avez-vous peur d’une contagion du conflit en Europe et notamment en France ?

Malheureusement, par le passé, dans des crises similaires, on a assisté à cette contagion. La France a pris des mesures fortes pour se protéger de la menace islamiste. Je suis rassuré, car la menace est prise au sérieux.

Faut-il interdire les manifestations ? Est-ce tenable dans le temps ?

Je crois qu’il y a une ligne très claire entre la liberté de manifester, un droit incontestable, garanti par la Constitution, et l’apologie du terrorisme, l’appel à des actes antisémites et le soutien au Hamas. Si on fait cet amalgame, on dérive très vite vers la violence. On sait que cela commence par des paroles et se termine par des actes : les personnes isolées qui trouvent une légitimation dans l’espace public peuvent passer à l’action.

On a recensé une centaine d’entreprises françaises installées en Israël. Ont-elles des demandes particulières ?

Les sociétés françaises voient la réalité sur le terrain, comprennent les tensions, mais d’une manière générale, l’économie continue. C’est un défi pour les sociétés, notamment l’absence des réservistes, mais les liaisons aériennes continuent, les ports sont ouverts. Oui, il existe des alertes, mais malheureusement, ceci n’est pas nouveau et Israël a eu un essor économique considérable depuis dix ans.

Y a-t-il eu une erreur d’appréciation des pouvoirs publics, en prétendant que la menace était plus forte en Cisjordanie qu’à Gaza ?

Le fait qu’on ait été surpris par l’attaque du 7 octobre est la preuve d’une défaillance. Une enquête approfondie sera lancée et les responsabilités établies, mais en ce moment, on se concentre sur la guerre et la nécessité de rétablir la sécurité. De toute façon, vous serez au courant, puisque c’est la question que se pose toute la population israélienne.

Etes-vous surpris par certaines réactions de soutien ou de complaisance vis-à-vis du Hamas en France ?

J’ai plutôt été surpris positivement par le soutien général des autorités françaises, au Parlement, au gouvernement, chez les maires, etc. Il y a une minorité qui voit les choses différemment. Pour moi, ce n’est pas une question politique, mais un problème de discernement moral. Comment adhérer aux valeurs républicaines sans qualifier certains actes barbares de terrorisme ?

Une certaine cacophonie règne sur l’aide accordée à Gaza par l’Union européenne. Qu’en pensez-vous ?

Il faut que l’aide humanitaire, qu’elle vienne de France ou d’Europe, soit bien contrôlée. On a vu que l’aide française pour fournir des tuyaux d’eau avait été détournée pour fabriquer des armes. L’Autorité palestinienne donne des allocations avec de l’argent européen aux familles des prisonniers palestiniens condamnés pour acte de terrorisme par Israël. Selon nous, ces aides encouragent donc indirectement le terrorisme au lieu de lutter contre.

En plus, au-delà de l’aide officielle, il existe toutes les collectes qui se font dans des mosquées pour des associations caritatives. Et certaines ne sont que des couvertures pour transférer de l’argent au Hamas. La législation de lutte contre le financement du terrorisme existe, donc il n’y a pas besoin de nouveaux textes, mais d’une meilleure application de ces textes. Il serait bon que l’Europe se pose des questions sur la gestion de ses aides et de la manière dont elle les contrôle.

Anne Bauer et Yves Bourdillon