L’attaque massive du Hamas sur Israël, dernière surprise meurtrière d’un conflit sans fin

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L’offensive armée perpétrée ce samedi 7 octobre par le Hamas intervient exactement cinquante ans après le déclenchement de la guerre du Kippour. Un symbole fort qui alimente la crainte d’un nouveau cycle de violences terribles. Par Dov Alfon.

C’était le 6 octobre 1973, il y a exactement cinquante ans : une attaque surprise de l’armée égyptienne dans le sud d’Israël, coordonnée avec les armées syriennes au nord et jordanienne à l’est, laissait entrevoir la fin de l’Etat hébreu. La guerre du Kippour, appelée ainsi puisqu’elle a éclaté le jour du Grand Pardon, le plus sacré de la religion juive, a profondément marqué les dirigeants israéliens. Le récit des premières journées, quand la victoire arabe paraissait acquise, a achevé de faire basculer le pays dans la logique toute sécuritaire dont il n’est jamais sorti depuis.

On ne sait encore pas grand-chose de l’attaque du mouvement Hamas tôt ce samedi matin dans le sud d’Israël, sinon qu’elle va projeter les Israéliens dans le même état d’esprit, d’autant plus qu’il est impossible de croire à un hasard du calendrier. D’après le porte-parole de l’armée israélienne, des «forces terroristes aéroportées, maritimes et terrestres» ont «infiltré» une vaste portion du territoire israélien adjacent à la frontière du sud du pays, dans le désert du Neguev. Plus de 2 200 roquettes ont été tirées pour aider cette «infiltration», dont il était difficile ce matin de dessiner les contours. Des dizaines de civils israéliens auraient péri dans les combats, beaucoup d’entre eux des Bédouins, dont la présence est forte dans cette région. On parle d’au moins 35 otages civils israéliens, juifs ceux-là, et de centaines de blessés.

Les sirènes ont retenti pratiquement dans tout le pays, et des villes très éloignées de la frontière avec Gaza, comme Tel-Aviv et Jérusalem, étaient la cible de roquettes et missiles. Mohammed Deif, haut commandant militaire du Hamas, a annoncé le lancement de l’opération dans un message retransmis sur les ondes, appelant les Palestiniens au combat où qu’ils se trouvent. «Voici le jour de la plus grande des batailles pour mettre fin à la dernière occupation sur Terre», a-t-il dit, ajoutant que 5 000 roquettes avaient été tirées. Le Hamas n’a pas publié de bilan de ses pertes, ni des pertes israéliennes.

Il s’agit déjà d’un épisode particulièrement meurtrier d’un conflit qui n’en manquait pas. Il est alimenté par des récits historiques contradictoires, nourris au fil des ans par deux sociétés profondément antagonistes qui n’ont pas grand-chose en commun, si ce n’est un sentiment profond de grief historique et de victimisation. Du point de vue israélien, le retrait de Gaza en 2005 de tous ses soldats et de toutes ses colonies après trente-huit ans d’occupation aurait dû mettre fin à ses problèmes avec les 1,6 million de Palestiniens qui s’y trouvent. La poursuite des tirs de roquettes – en particulier depuis que les militants du Hamas se sont emparés de la bande côtière au détriment de la faction plus modérée du Fatah en 2006 – est considérée comme un outrage qui justifie des représailles violentes de temps à autre, mais est la plupart du temps tolérée silencieusement comme le symptôme d’un mal qu’il vaut mieux ne pas explorer.

Longue histoire

Le Hamas, quant à lui, rejette tout lien juif avec la Terre sainte et considère Israël comme un avant-poste colonial au cœur du monde islamique, qui doit être détruit. Parmi les Palestiniens, le sentiment spécifique de victimisation des habitants de Gaza découle plus directement des conditions de vie misérables dans une bande côtière de quelques kilomètres de large surpeuplée, assiégée et appauvrie. Les soldats et les colons israéliens sont peut-être partis, mais Israël continue de fermer sa frontière avec Gaza, de bloquer sa côte par crainte d’importations d’armes et de contrôler l’espace aérien – ce qui, selon eux, signifie que Gaza reste «occupée» et que, par conséquent, la «résistance» conserve sa légitimité. Ce discours s’aligne sur une haine bouillonnante d’Israël, alimentée par le fait qu’environ trois quarts de la population de la bande de Gaza sont des réfugiés ou des descendants de réfugiés qui ont perdu leur maison dans ce qui est devenu Israël en 1948. Pour beaucoup, la situation difficile actuelle n’est qu’un chapitre d’une longue histoire qui se terminera par la restauration de la Palestine historique sous le contrôle des Arabes et des musulmans.

Dans ce contexte, les changements géopolitiques des derniers mois, et en particulier le rapprochement israélo-saoudien, présentent pour le Hamas et ses parrains iraniens une perspective intenable, qui risque de voir naître un «nouveau Moyen-Orient», selon la formule chère à Shimon Peres, qui laisserait l’Iran sans légitimité dans le monde arabe, et qui abandonnerait sur sa route le peuple palestinien.

Quoi qu’il arrive dans les jours qui viennent, le Hamas aura réussi son pari, ralentir considérablement ces avancées, embarrasser les nouveaux alliés israéliens et durcir les positions des Israéliens et des Palestiniens dans le conflit, comme il sera impossible de rester de marbre face aux atrocités qu’on nous annonce déjà.

Dov Alfon
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