
Ces professionnels de santé estiment que l’affaiblissement du système judiciaire, né de la réforme du gouvernement, porte atteinte à une pratique égalitaire et de qualité.
Jérusalem, Il n’est pas encore 21 heures. La manifestation prodémocratie, qui a lieu chaque samedi soir depuis la mi-janvier face à la présidence de l’État, n’a pas encore démarré. Un petit groupe s’affaire autour d’une table pour les derniers préparatifs. Surtout des femmes appartenant à l’association des Blouses blanches, des médecins, des infirmières, des paramédicales. Toutes ont revêtu le tee-shirt rouge avec l’inscription « Pas de santé sans démocratie ».
Parmi elles, Ora, oncologue à Shaare Zedek, un des grands établissements hospitaliers de Jérusalem. « Je suis très inquiète, nous confie-t-elle. Nous vérifions jour après jour l’impact des décisions du gouvernement sur le système de santé. Que ce soit l’inégalité grandissante en matière de traitement médical – des députés de la majorité n’ont-ils pas affirmé qu’un médecin pourra décider de traiter ou non tel malade, en fonction de ses convictions personnelles, religieuses ? Et puis, il y a ces projets de loi qui courent, comme celui prônant la formation au rabais, loin des facultés de médecine, de toutes sortes de personnels soignants ou bien la création d’un nouveau syndicat des médecins, à la solde du gouvernement, afin de contrecarrer celui qui existe actuellement et qui a pris position en faveur du mouvement prodémocratie. »Pour Ora, tout cela signifie une baisse draconienne du niveau de la médecine israélienne mais aussi une politisation inédite du système de santé. Et elle n’est pas seule à faire ce constat. Depuis plusieurs jours, une pétition circule à Jérusalem, dans le milieu médical. Pour les 609 signataires, de nombreux soignants des deux principaux hôpitaux de la ville, l’affaiblissement du système judiciaire ne peut que porter atteinte à une médecine égalitaire, de qualité et professionnelle.
Prêts à travailler gratuitement
Au-delà des manifestations organisées un peu partout dans le pays, et des quelques grèves décidées par le syndicat des médecins, le débat public a pris une autre dimension. Il porte sur la volonté affichée de la part de nombreux médecins de s’installer à l’étranger. Des groupes WhatsApp intitulés « Physician relocation » (« délocalisation médicale ») se sont mis à fleurir. Près de deux mille inscrits en quelques heures.
Comme sur le portable du professeur Dorit Nitzan. Avant de revenir vivre en Israël, il y a un an, elle a vécu dix-sept ans à l’étranger, où elle travaillait au sein de l’OMS comme coordinatrice des urgences de santé en Europe. En moins de vingt-quatre heures, elle a reçu deux cents messages de médecins israéliens intéressés pour intégrer l’OMS. « Au fil des ans, il y a toujours eu des médecins israéliens souhaitant entrer dans cette prestigieuse organisation. Mais jamais à une telle échelle », constate-t-elle.
Étonné par le nombre de confrères israéliens qui l’ont contacté ces derniers jours, le professeur Naftali Kaminski, spécialiste de médecine interne à l’université américaine de Yale, a été particulièrement frappé par une chose : le fait que ces praticiens se disent prêts à travailler gratuitement : « D’habitude ce sont les médecins chinois, iraniens, égyptiens, pakistanais qui me disent être prêts à faire du volontariat pendant un an ou deux. Jamais les Israéliens. Aujourd’hui, visiblement, tout a changé. Pour quitter Israël, ils sont prêts à accepter cette éventualité. »
Un coup dur
Même étonnement chez le professeur Erez Nosek, qui, Israélien, est aujourd’hui un des directeurs du département de neurochirurgie de la faculté de médecine de l’université de New York. Il raconte avoir reçu des appels de médecins confirmés, exerçant dans les hôpitaux du centre d’Israël, lui disant qu’ils voulaient partir immédiatement.
« Tous m’ont parlé de leur angoisse de voir grandir leurs enfants dans l’Israël d’aujourd’hui. Et peu importe la tâche ardue qui les attend, ne serait-ce qu’au niveau professionnel. Tous m’ont dit être prêts à faire l’effort nécessaire. Aucun d’entre eux ne m’a demandé des détails sur les salaires, les conditions d’emploi, le statut professionnel », détaille-t-il.
Combien partiront ou tout simplement ne rentreront pas ? Pour l’instant, on n’a pas de chiffres. Parmi les quelque 33 000 médecins en activité dans le pays, le phénomène semble encore marginal. Mais même s’ils n’étaient que quelques centaines à partir, ce serait un coup dur pour les services de santé.
Plusieurs pays sur les rangs
Au ministère de la Santé, dirigé aujourd’hui par un membre du parti ultra-orthodoxe séfarade, Shas, on se dit préoccupé. Au point de tenter d’ouvrir un dialogue avec les potentiels candidats au départ. Pour l’instant sans grand succès.
En revanche, plusieurs pays sont sur les rangs pour les accueillir : le Canada, la Nouvelle-Zélande, la Grèce seraient très intéressés à l’idée de recevoir ceux qu’ils considèrent comme d’excellents praticiens. Sans parler des Émirats arabes unis, qui offriraient un salaire triple de celui pratiqué en Israël et des conditions d’installation particulièrement attrayantes.
Interviewé dans un panel télévisé, le Dr Liran Guilaadi, un interne en médecine générale, évoque la déclaration de cette ministre, selon laquelle il fallait retirer leur autorisation d’exercer aux médecins qui voudraient quitter le pays.
Interrogé sur un possible déménagement à l’étranger, il reste prudent. Pour l’instant, lui et sa compagne ne font qu’en discuter : « Je sais que pour moi ce serait très dur. Mais au moment où on me transforme en ennemi et en traître, c’est… » Bouleversé par l’émotion, les larmes aux yeux, il finit par dire : « C’est tellement injuste ! »
Daniele Kriegel
Honte de ces gens très minoritaires qui préfèrent quitter Israël leur terre natale ou adoptée qui a besoin de tous ses citoyens que de se battre avec courage, loyauté et héroïsme pour sa survie. Les français encore, divisés aujourd’hui, en grande majorité de droite, se sont-ils exilés lorsque le Ministre de la justice, Mr Badinter, et le Président Mitterand ont fait modifier la Constitution pour supprimer la peine de mort? Alors amis israéliens, battez-vous politiquement si vous n’acceptez pas démocratiquement ce projet de modification de la Justice de votre pays extraordinaire, hors normes, qui fait l’administration du monde entier, certes dure à vivre mais où « l’herbe est-elle plus verte » sauf pour une extrême minorité?