Le parti de Zemmour accueille une librairie antisémite à sa Fête des moissons

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Reconquête a organisé ce samedi 8 juillet sa première Fête des moissons près de Lyon. Parmi les exposants, Libé a pu identifier une librairie d’extrême droite dont le catalogue propose de nombreux ouvrages antisémites.

Le public pouvait donc acheter un bouquin antisémite entre un discours de Marion Maréchal et une intervention de Stanislas Rigault. Reconquête organisait sa première «Fête des moissons» ce samedi en région lyonnaise dans un lieu étrangement tenu secret. Outre les prises de parole des deux pontes du parti zemmourien, étaient annoncées des animations telles que du lancer de bottes de paille, un concours de pétanque, des concerts ou encore des «initiations aux danses traditionnelles». Les participants pouvaient également, entre autres, rencontrer «des écrivains et des journalistes» ou flâner entre des boutiques d’artisans et autres «stands thématiques» des «associations et partis alliés» de Reconquête selon le programme dévoilé aux seuls détenteurs d’un billet d’entrée. Que de discrétion… Et pour cause : au milieu des exposants, on trouvait aussi des groupuscules radicaux d’extrême droite, comme a pu se le faire confirmer Libération. Pire, les organisateurs de cette «journée familiale et politique», dixit Marion Maréchal, mettaient également en avant la présence «d’une librairie», sans plus de précision. Libération a pu identifier que celle-ci n’est autre que Les Arts enracinés, une échoppe d’extrême droite radicale du Puy-en-Velay (Haute-Loire) au catalogue particulièrement fourni en livres racistes, complotistes, négationnistes et antisémites. Contacté, le patron de la librairie a confirmé sa présence sur place avec un stand.

La localisation précise des festivités n’a été annoncée qu’aux détenteurs d’une place dûment achetée et tenue secrète jusqu’à quelques jours avant l’événement. Une méthode qui n’est pas sans rappeler celle utilisée pour les concerts clandestins néonazis ou les spectacles de l’humoriste antisémite Dieudonné. Au journal Le Progrès, qui a interrogé Reconquête à propos de cette discrétion, le parti d’extrême droite a répondu en invoquant des craintes «de pressions sur l’hôte» ainsi que «sur la constitution d’un comité d’accueil hostile».

Les adhérents et sympathisants de Reconquête souhaitaient donc pouvoir se retrouver tranquillement dans une ferme du village de Chaponost (Rhône), à une petite dizaine de kilomètres du centre-ville de Lyon, ce samedi à partir de 10 heures Au milieu des champs, «les douze fédérations de Reconquête Auvergne-Rhône-Alpes (tenaient) chacune un stand aux couleurs de leur département». Outre donc la présence de Marion Maréchal, vice-présidente du parti, et de Stanislas Rigault, président de son mouvement de jeunesse Génération Zemmour, étaient également programmés des partis «alliés» : les Italiens de Fratelli d’Italia, héritiers du MSI fasciste, ainsi que les Suisses de l’UDC, parti naviguant entre ligne anti-immigration et islamophobie.

Plusieurs mouvements radicaux français avaient également annoncé leur présence sur place, derrière un stand ou parmi le public. Comme l’ASLA, pseudo-association de soutien aux lanceurs d’alerte mais vraie repaire d’identitaires levant des fonds pour la cause. Le président de cette association, Clément Galant, n’est autre que l’ancien leader de Génération identitaire, dissous pour son racisme et sa violence en mars 2021 par le ministère de l’Intérieur. Tenaient également une table les «féministes identitaires» du Collectif Némésis qui militent contre les «rapefugees», contraction en anglais de «rape» (viol) et «refugees» (réfugiés)… Ou encore, notamment, les suprémacistes blancs du Clan la Montagne, «groupe communautaire local basé sur la solidarité» et «le ré-enracinement via le sport» proche du gourou racialiste Daniel Conversano. Ce dernier est «exilé» en Roumanie pour fuir une France qu’il dit «bougnoulisée». Le leader du Clan la Montagne, David Berton, est par ailleurs très impliqué au sein de Reconquête, dont il était au moins jusqu’à fin 2022 un des cadres dans la région et a été le binôme de la candidate zemmourienne dans la première circonscription de la Savoie aux dernières élections législatives.

Du côté des autres «têtes d’affiche» qui avaient annoncé leur présence figurent Jean-Yves Le Gallou, ancien de la Nouvelle Droite qui a conseillé le candidat maurrassien pendant la campagne présidentielle. Ainsi qu’Isabelle Surply, conseillère régionale de la région Auvergne-Rhône-Alpes, que Libé avait identifiée parmi les intervenants d’un colloque organisé par les néofascistes de Lyon Populaire en mai dernier. Déjà, l’élue semblait à son aise au milieu des crânes rasés et de leur service d’ordre arborant des brassards à croix celtique, symbole néofasciste.

Croix celtique que l’on peut acquérir sous forme de pin’s sur le site Internet d’un autre exposant de la «Fête des moissons» : la librairie Les Arts enracinés dont le catalogue présente un net tropisme néonazi particulièrement radical, même pour une librairie d’extrême droite. Outre les classiques de nostalgiques du IIIe Reich et du fascisme, le pire du complotisme y côtoie les livres des négationnistes Robert Faurisson et Vincent Reynouard, ceux de l’antisémite multicondamné Hervé Ryssen ou les œuvres du collaborateur belge Léon Degrelle.

Contacté par Libération, Stanislas Rigault explique «n’avoir vu aucun livre de ce type sur place». Cette librairie accueille également des conférences de personnalités de la mouvance d’extrême droite radicale connues pour leur haine des juifs à l’image du fils de collabo Philippe Ploncard d’Assac, de l’ex-soralien Salim Laïbi ou encore du président du groupuscule pétainiste les Nationalistes Yvan Benedetti. Une conférence de ce dernier, début janvier dans les locaux des Arts enracinés, avait provoqué de fortes tensions. Des militants d’extrême droite avaient pris pour cible des contre-manifestants de gauche. Un couple de passants avait notamment été agressé par des individus faisant office de service d’ordre officieux de la boutique. Tout ceci mis bout à bout explique sans doute finalement pourquoi Reconquête a été si discret sur le lieu de sa petite sauterie.

par Pierre Plottu et Maxime Macé