Le rescapé des camps de la mort, Jean Vaislic, s’est éteint à 95 ans

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Jean Vaislic est mort à plus de 95 ans. Ce rescapé d’Auschwitz, a témoigné de son histoire aux côtés de son épouse Marie, elle-même déportée. Jean Vaislic était le seul survivant de sa famille.

En septembre 1939, Jean Vaislic a 13 ans. Il vit à Lodz en Pologne avec sa famille et ses amis juifs. Les nazis envahissent  son pays, sa ville. Dès la rentrée en 1939, ils font irruption dans son école et forcent les élèves à détruire eux-mêmes et à brûler les tables et les chaises. Les enfants comprennent que, pour eux, il n’y aura plus d’école.


Avec sa famille, Jean est contraint de quitter son logement et de s’entasser avec des milliers d’autres Juifs dans le ghetto de Lodz. Lors d’une sortie du ghetto avec son père en 1940, celui-ci est arrêté. Il ne le reverra plus, comme aucun des membres de sa famille.

Transféré au camp d’Auschwitz à 16 ans

L’adolescent se retrouve en fuite, de ferme en ferme. Il est seul. Il doit fuir dès que le paysan n’a plus de quoi le nourrir. Il erre en essayant de survivre. Il est arrêté en 1942 et emprisonné. Quelques mois plus tard, il est transféré au camp d’Auschwitz-Birkenau. Il a été par la suite transféré dans les camps de Blechhammer, Gross Rozen, Gliwice puis Buchenwald.


Jean Vaislic racontait comment il avait été sauvé du camp de la mort grâce à un camarade boulanger qui travaillait pour les SS du camp : Wacek. Ce compagnon d’infortune, polonais lui aussi qui n’était pas juif mais catholique, s’arrangeait pour lui faire passer chaque jour un petit bout de pain qu’il cachait dans ses bottes.

Un survivant

Sans lui, Jean Vaislic expliquait qu’il n’aurait pas survécu durant ces années à l’enfer des camps, à la faim, au désespoir, aux Kommandos de travail forcé et aux « marches de la mort ».  Seul survivant des soixante membres de sa famille, Jean suit à la libération, alors qu’il n’a que 19 ans, celui qu’il considère désormais comme son grand frère, Wacek. Celui-ci le conduit à Toulouse. Il y rencontre Marie, elle aussi rescapée de la Shoah. Habitante de Toulouse, elle avait été dénoncée par des voisins.


Marie et Jean Vaislic se marient et fondent une famille. Lui ne comprenait pas comment et pourquoi il avait survécu à la mort de ses parents et à celle de ses frères et sœur.  Conscients du fait d’être parmi les derniers survivants des centres de mise à mort, tous deux ont inlassablement témoigné jusqu’à l’année dernière auprès d’adolescents de collèges et lycées et dans de nombreux lieux comme le musée de la Résistance de Toulouse.

Une poésie et un humour exceptionnels

« Jean, ça a été une rencontre extraordinaire, confie son ami Pierre Lasry, auteur de sa biographie « Du fond de ma mémoire » publiée en 2017. Le mot est vu et revu, mais c’est ce qu’on entend de la plupart des gens qui l’ont croisé. Il était un petit bonhomme par la taille mais d’une humanité, d’une poésie et avec un humour exceptionnels ».


« Il a toujours témoigné de ce qu’il avait vécu, même si c’était très difficile pour lui de revenir sur cette époque. Il en faisait des cauchemars terribles. Mais il l’a toujours fait avec beaucoup de courage, de délicatesse et de subtilité si bien qu’on comprenait, on était pris avec lui dans le cauchemar qu’il a vécu ».

Une perte bouleversante

« Ce que je garde, c’est cette espèce de foi en lui, chevillée au corps, poursuit Jean Lasry. Il s’en est toujours sorti, toujours in extremis. C’est aussi ce sens formidable de l’amitié et cette humanité. Je les ai souvent accompagnés, lui et Marie, lorsqu’ils témoignaient. Et je me souviens d’un enfant qui lui a demandé : « mais qu’est-ce que vous aviez fait ? ». Il a commencé à lui répondre en lui disant « tu sais mon chéri… » Et il a pris sur lui l’horreur humaine pour en faire quelque chose de présentable à un enfant avec tellement de tendresse et d’amour… ».


Sa disparition est une perte bouleversante pour ses amis et au-delà. L’une de ses proches, la députée Sandrine Mörch écrit : « c’est d’autant plus triste que chacun d’entre nous, intime ou lointain compagnon de Jean, prend peu à peu conscience de l’immense perte que cela représente pour l’Histoire. Comme un désert qui grandit dans notre mémoire collective ».

Avec fravcetvinfo