Oscars : au cœur d’une polémique, le film «Amira» n’ira pas à Hollywood

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Le long-métrage du réalisateur égyptien Mohamed Diab est accusé d’insulter les détenus palestiniens emprisonnés en Israël. Le film ne sera plus diffusé.

C’est la douche froide pour le cinéaste égyptien Mohamed Diab. Son film Amira n’ira finalement pas aux Oscars, fin mars 2022, malgré les efforts du réalisateur qui menait grande campagne, avec la Jordanie, depuis un mois, pour qu’il représente le royaume à Hollywood. Le long-métrage se retrouve, actuellement, au cœur d’une polémique géopolitique. Alors que le réalisateur souhaitait évoquer un drame familial palestinien, il se trouve confronté à une vive opposition palestinienne. Cette dernière estime que le film « sert l’occupation israélienne » en « se moquant des prisonniers ». Cette semaine, il a annoncé qu’Amira ne serait plus diffusé du tout car son long-métrage a choqué.

Il raconte l’histoire d’une Palestinienne née d’une insémination du sperme de son père emprisonné par Israël, un moyen de contourner les barreaux auquel des dizaines de Palestiniennes ont recouru depuis des années. Néanmoins, elle découvre adulte que le sperme utilisé n’est en fait pas celui de son père, mais d’un geôlier israélien, incarnation de l’occupation israélienne. La controverse autour de ce film n’a cessé d’enfler ces dernières semaines sur les réseaux sociaux avec des critiques palestiniennes acerbes.

Un rejet palestinien plus que ferme

« Ce film est dégoûtant », mais « ce n’est pas un film comme Amira qui nous fera douter de la paternité de nos enfants », a écrit sur Facebook une Palestinienne, Lydia Rimawi, qui raconte avoir eu trois enfants avec le sperme de son mari prisonnier. Et ce, grâce à l’aide de codétenus de son époux qui sont parvenus à leur libération à lui faire apporter de petites fioles de sperme, passées, selon elle, au nez et à la barbe des soldats israéliens postés aux check-points. Une autre internaute palestinienne, Reem Jihad, écrit sur Twitter qu’Amira n’est qu’un « scénario israélien sans morale ». « Ce film insulte les prisonniers palestiniens sans jamais parler des souffrances de centaines de familles de prisonniers. »

Face au tollé de critiques sous le mot clé « Retirez Amira », Mohamed Diab a appelé à une « commission de spectateurs, composée de prisonniers et de proches, pour regarder et discuter » sur le film. « Nous avons pris soin de regarder le film de A à Z et, au terme de nombreuses séances pour en observer les détails, nous le rejetons en bloc », a dit Qaddoura Farès, chef du Club des prisonniers palestiniens, qui porte la voix des plus de 4 500 Palestiniens détenus par Israël. « L’équipe ferait mieux d’oublier ce film une bonne fois pour toutes », conclut-il.

Pour le Hamas, mouvement islamiste palestinien au pouvoir à Gaza, dont des centaines de membres sont enfermés dans les prisons de l’État hébreu, ce film n’est rien d’autre qu’un « service rendu à l’ennemi sioniste ». Mohamed Diab, lui, ne cesse de répéter qu’il a présenté « un travail propre qui n’insulte en aucun cas les prisonniers ou la cause palestinienne ».

La difficile question israélienne dans la culture arabe

La question d’Israël fait régulièrement polémique dans le milieu de la culture arabe. Officiellement, la plupart des pays arabes ne reconnaissent pas l’État hébreu et il est donc interdit à leurs artistes de s’y rendre. En 2017, le réalisateur franco-libanais Ziad Doueiri a été entendu par un tribunal militaire au Liban pour avoir tourné une partie de son film L’Attentat en Israël. Des journalistes et des militants lui avaient réclamé des « excuses », l’accusant d’avoir avec son long-métrage « normalisé » les relations avec l’État hébreu, officiellement toujours en état de guerre avec le Liban.

En Algérie, l’écrivain Boualem Sansal a été vivement critiqué pour s’être rendu en Israël afin d’y recevoir un prix littéraire. En 2020, quatre pays arabes ont reconnu Israël – les Émirats arabes unis, Bahreïn, le Maroc et le Soudan –, rejoignant la Jordanie et l’Égypte, le pays de Mohamed Diab qui, le premier, a signé la paix avec l’État hébreu en 1979.