Famille et handicap : le plaidoyer de Clara Dupont-Monod contre la bureaucratie

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Elle vient de recevoir le Prix Femina 2021, et le Prix Landerneau, pour son livre « S’adapter ». Invitée de Boomerang, elle a choisi de dire un plaidoyer pour une simplification administrative pour les handicapés et leur famille.

« Chère bureaucratie française,

j’aime la danse classique et je la pratique depuis un moment. Je suis comme toi, j’ai un hobby.

Le tien, c’est de pourrir la vie des gens, et notamment, celle des familles dont l’enfant n’est pas comme les autres. Je comprends que tu aimes ce hobby, il demande autant de rigueur que pour réaliser un pas de danse classique. A moi l’arabesque, à toi la mise à terre des familles.

Pour ça, veinarde, tu es aidée. Tu as plein d’acronymes pour encombrer le chemin : la MDPH, la CDA, la CDAPH, c’est la version upgradée de la CDA, le PPS, l’ESMS, l’AJPP, et plein d’autres.

Par exemple, pour avoir droit à une AESH, c’est à dire une personne qui aide l’enfant handicapé en classe, il faut remplir un dossier MDPH, de 32 pages, que même un énarque avec un QI obèse relirait deux fois, et une fois le dossier rempli, il faut attendre 4 mois.

Pour avoir la notification qui dit si oui ou non l’enfant sera aidé. Ah, coquine bureaucratie, tu me fais un là entrechat de paperasse…

Si la réponse est positive, il faut attendre que l’AESH soit nommée et recrutée par l’Inspection académique, ce qui peut prendre plusieurs mois, tu avoueras que c’est très long comme entretien d’embauche hein, plusieurs mois, mais on ne réussit pas une chorégraphie du premier coup, je te comprends.

Et parce que tu aimes la perfection, comme en danse classique, l’AESH sera soit « M », soit  « I ».

Bien sûr, s’il n’y pas d’AESH, et ben l’enfant attendra. L’instit s’en occupera, tant pis s’il a une classe sur les bras et aucune formation spécifique. Il faut bien que le chausson se détende.

Tu es vraiment taquine : tous les trois ans, tu demandes aux familles de tout recommencer : le dossier de 32 pages, les bilans, les attestations, les certificats, les devis… Tu demandes aux familles de prouver, tous les trois ans, que leur enfant est toujours handicapé – au cas où la trisomie disparaitrait comme par magie, au cas où une petite tétraplégique pourrait se mettre debout. Friponne bureaucratie ! Tu y mets vraiment du cœur, j’aime échanger avec toi, tiens : en danse il existe la figure du fouetté, elle serait parfaite pour toi.

Je t’embrasse »

Clara

Source franceinter