Les fricassés de Mémé, par Laurie Boutboul

Abonnez-vous à la newsletter

Cette histoire de Laurie, je l’aime un peu plus que les autres, parce que le mot fricassés évoque pour moi ma mère qui cuisinait si bien ce plat mythique!!!

Mémé… Ce mot là, sonne doux à mon oreille, comme une musique, comme le souvenir d’un temps heureux. D’un temps où mon oncle Salomon dit Bill, nous confia pour six petits mois, sa fille Ketty et sa belle-mère Mémé Khouikha, alors qu’il partait s’installer en France, quittant avec le reste de sa famille, et la Tunisie pour toujours en 1963.

Tata Lydia, sa femme savait que chez nous, elles seraient bien, choyées et aimées en attendant qu’elles les rejoignent en France. Vous aurez compris que Mémé était donc la mère de la belle-sœur de mon père. La famille c’était ça! Aujourd’hui, on dirait famille élargie pour nous c’était la famille, et c’est tout, et nous étions si contents de les avoir avec nous, moi surtout.

Ce fut une belle expérience de vie puisque je n’ai jamais connu mes grands-parents, tous partis avant ma naissance, partis trop tôt. Une double expérience puisque je n’avais pas de sœur et Ketty combla magnifiquement ce manque, pour 6 mois…

Mémé était un petit bout de femme aux beaux cheveux gris méchés de blanc, réunis en chignon serré dès le lever du matin. Elle se faisait discrète, mais notre maison étant petite, on la voyait tout le temps, passant et repassant avec ses « savates » plates et ses petits pas de poupée, toujours affairée. Elle nous régalait d’attentions et de bons petits plats mijotés au grand plaisir de ma mère qu’elle soulageait et de mon père qu’elle faisait kiffer!!!!!

Je me souviens d’être rentrée un jour de l’école et je ne reconnaissais plus trop notre salon : elle l’avait « customisé ». Sur notre canapé, elle avait installé une grande planche en bois, recouverte d’un drap blanc et dessus une grande couverture rayée orange et blanche, la fameuse batanïa en laine que chaque femme de Tunisie devait avoir dans son foyer pour affronter l’hiver tunisien, l’hiver rigoureux (sic), au pire 15 degrés!

Sous cette couverture qui m’intriguait, je découvris un autre drap blanc, et sous ce drap blanc des petites boules de pâte soigneusement alignées, bien rondes, bien régulières et bien gonflées : des fricassés! Elle en avait fait 100 au moins alors que nous étions 7 à la maison. Vous voyez comment les mamies tunisiennes appréhendent l’appétit de leurs enfants :

Savant calcul : environ 14 fricassés par personne. Elle me rassura, pardon, elle se rassura, nous n’allions pas mourir de faim!

Bien entendu elle comptait en offrir à l’associé de mon père Albert et sa famille, le comptable de mon père Ernest et sa famille, les collègues d’école de ma mère et leur famille, les parents des amis de mes frères et leur famille, bref elle aurait aimé en offrir à la toute la Tunisie, à la Terre entière, de ces délicieux fricassés.

C’était ça, Mémé Khouikha! Sa gentillesse et sa générosité étaient légendaires!. Aussi elle excellait lorsqu’il fallait soigner des petits bobos, avec ses méthodes de Mémé….forcément!

Petite, j’avais quelques verrues disgracieuses sur les doigts, et qui me gênaient. Le diagnostic était tombé, le médecin avait dit à mes parents que je manquais de calcium et avait prescrit du «Verrulyse» à appliquer deux fois par jour sur les verrues. La drôle d’odeur de ce baume âcre, appliqué à l’aide d’un petit pinceau était désagréable. Et il dérangeait aussi Mémé.

Elle décida que l’on devait guetter la pleine lune et que ce soir-là on monterait elle et moi sur la terrasse. Et on guetta le ciel toutes les nuits comme des astronomes à la recherche de telle ou telle étoile.

Le jour J arriva enfin. La lune était au rendez-vous avec Mémé. Et nous voilà toutes les deux, en chemises de nuit, sur la terrasse de notre immeuble, juste éclairée par la luminosité d’une magnifique lune d’un blanc presque argenté. Ce qui rajoutait de la magie à notre histoire.

Mémé dénoua ses beaux cheveux longs, ondulés, à force d’avoir été noués  en chignon, elle se choisit un cheveu blanc bien long et bien épais et elle se l’arracha avec force et détermination….sans une grimace!

Elle enroula son cheveu méticuleusement, du mieux qu’elle put, autour de mes verrues faisant des zigzags entre mes doigts. Elle leva ma main vers la pleine lune et pria D….qu’il fasse disparaître mes verrues. Croyez-moi ou pas, mes verrues n’ont jamais disparu! C’était juste un souvenir partagé avec Mémé, qui me fait encore sourire. C’était aussi ça Mémé Khouikha!

Elle passa 6 mois chez nous et pour moi c’est un souvenir inoubliable, fait de moments insolites et délicieux. Merci Mémé, repose en paix!

Pour toi Axel, mon petit cousin, son arrière-petit-fils.

Recette pour 40 fricassés.

1 kg de farine.
1 cube de levure de bière.
Eau tiède/ en tout 600ml.
2 CAS de sucre.
1 oeuf.
1 petit verre d’huile 70ml.

Pour la farce.

3 pommes de terre.
3 oeufs.
Harissa ou mechouia.
Quelques olives.
3boites de thon (pour 40fricassés.)

Diluer la levure de bière dans un peu d’eau chaude(100ml), rajouter le sucre, laisser poser 10mn.
Puis mettre dans le robot la farine, le mélange de levure, l’eau tiède, l’œuf, l’huile, le sel en dernier. La levure de bière est fâchée avec le sel!
Pétrir. Laisser lever 1 heure.
Puis faire des petites boules de pâte que vous laissez lever sous un torchon, ou sous « la batanïa »….

Au bout de 30mn faire frire dans une huile chaude, mais jamais bouillante.Déposer sur du papier absorbant.
Laisser refroidir.
Couper les petits pains dans la longueur sans les ouvrir complètement.
Farcir dans l’ordre d’harissa ou méchouia, morceaux de pomme de terre bouillie, thon, 2 olives, un quartier d’œuf.

N’oubliez pas d’en distribuer comme Mémé à votre famille, à vos amis, à la famille de vos amis, bref à tous ceux que vous aimez.

Quant à moi, je vais de ce pas, sur la terrasse prendre rendez-vous avec la lune…..

1 Comment

Les commentaires sont fermés.