Lyon : Cécile et Renée retrouvent la famille qui les a sauvées de la Shoah

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Abraham Zejgman, père de Cécile et Renée, mort à Auschwitz
Elles cherchaient l’homme qui les a cachées pendant la guerre. Lundi 26 avril, l’association Société Lyonnaise d’Histoire de la Police a annoncé qu’elles ont trouvé ses descendants.

L’homme leur avait fourni des faux papiers pendant la Seconde Guerre Mondiale. Cécile et Renée, deux sœurs, ont décidé d’essayer de le retrouver, bien des années plus tard, à Lyon.

Avec l’aide de l’association Société Lyonnaise d’Histoire de la Police et via un appel à témoins, les deux sœurs ont pu retrouver la trace des descendants de ce fameux policier, sauveur de la famille Zejgman, de confession juive. Michel Salager est président-fondateur de l’association. Il raconte l’histoire auprès d’Actu Lyon.

Un coup du destin

Nous sommes à l’été 2020. Renée et Cécile se rendent à la cérémonie en hommage aux déportés de la prison Montluc, les derniers déportés de Lyon en 1944. Sur le retour de la cérémonie, les deux sœurs décident d’aller taper à la porte de l’ancienne maison où habitait leur sauveur, celui qui leur avait fabriqué de faux papiers pendant l’occupation.

Un monsieur ouvre la porte. Il n’est pas de la famille de l’agent Collier, tant recherché par la fratrie. Mais il sera l’élément qui débloquera la situation. « Il a dû être touché par leur histoire, il a eu une démarche citoyenne : il s’est proposé de les aider, et a envoyé un courrier à la Direction Départementale de la Sécurité Publique. Comme nous sommes partenaires, la DDSP nous a transféré la demande » raconte Michel Salager. Un appel à témoins est lancé par l’association, via les réseaux sociaux et le journal Le Progrès.

Des dizaines de témoignages

L’annonce a un effet encore plus fort qu’espéré. Des dizaines de témoignages fleurissent. « Certains nous ont appelé pour parler d’autres personnes, ce n’était pas en rapport, mais ça ouvre d’autres possibilités pour d’autres héros » sourit le président de l’association.

Une autre personne, elle, décroche le téléphone. Ce sera la bonne : « Son grand-père a travaillé au commissariat de Villeurbanne. Un des policiers qui a travaillé avec lui s’appelait Collier. »

En parallèle, la plus âgée des deux sœurs, Cécile, se souvient que la famille avait habité à Villeurbanne avant de partir vivre à la Croix-Rousse. « Nous avons cherché des correspondances dans plusieurs dossiers » continue Michel Salager. « Un homme semblait correspondre : Armand Collier, gardien de la paix à Villeurbanne ».

Parmi les personnes ayant appelé l’association, un généalogiste, qui se porte volontaire pour aider dans les recherches. « Il a pu reconstituer l’arbre de ce monsieur Collier, et nous avons contacté les personnes qui y apparaissaient ».

La difficulté de la prise de contact

Nouvelle difficulté donc pour ces enquêteurs bénévoles : « Ce n’est jamais évident de recontacter quelqu’un plus de 80 ans après », concède ce commandant divisionnaire honoraire de police et historien. « Parfois il y a des oublis avec le temps, parfois le sujet est sensible. Certains refusent totalement la rencontre. Et puis il y a ce raccourci souvent fait qu’être policier sous l’occupation, c’était forcément être collabo » regrette Michel Salager.

Coup de chance : en contactant un des petits-fils de ce monsieur Collier, « des souvenirs ont ressurgi, il avait entendu parler de ce que son grand-père avait fait. Et sa maman avait connu Cécile, elles avaient le même âge ». Il accepte, alors, de rentrer en contact avec la famille.

Une prise de contact qui va se faire en douceur. La nouvelle génération Collier (qui n’a plus le même nom) est sur la réserve. Quant à Cécile et Renée, « Elles doivent assimiler la nouvelle. C’est beaucoup d’émotions pour elles ». Alors les premiers contacts se feront soit au téléphone, soit de manière épistolaire.

Une médaille à titre posthume ?

Loin de se limiter à vouloir rencontrer la descendance de leur héros, Renée et Cécile ont lancé un dossier très symbolique : elles ont ouvert une demande Yad Vashem : elles ont demandé à ce qu’Armand Collier soit reconnu « Juste parmi les nations ». C’est la plus haute distinction possible pour un non-juif en Israël.

« Très peu sont reconnus Juste de leur vivant, ajoute Michel Salager, c’est souvent à titre posthume, on remet la médaille aux familles. » C’est ce qui arrivera si le dossier aboutit. Une question, cependant, demeure. Monsieur Collier a-t-il aidé d’autres familles ? « Impossible à savoir » regrette le président de l’association Société lyonnaise d’histoire de la police.

Il espère qu’avec cette histoire, peut-être, d’autres langues se délieront.

Source actu