Gabriel Attal, le démineur en chef

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On a beaucoup parlé de Gabriel Attal ces derniers jours, quand il a été victime d’antisémitisme. Mais il faut lire ce portrait, pour comprend d’où il sort toute sa combativité.

Gabriel Attal est à peine sorti du plateau de l’émission «C à vous», jeudi soir, qu’il envoie au Figaro l’extrait vidéo de son échange avec Philippe Juvin. Le porte-parole du gouvernement sait qu’un article sur son rôle de porte-parole du gouvernement est en préparation dans nos pages, et n’est pas peu fier d’avoir infligé en direct une sévère correction au chef des urgences de l’hôpital Pompidou, par ailleurs maire Les Républicains de La Garenne-Colombes, qui vient de publier son journal de bord de la crise sanitaire.

Le ministre le plus jeune de la Ve République avait bien préparé son coup: avec aplomb et méthode, il met en difficulté le médecin et révèle ses contradictions en confrontant des extraits de son livre avec les propos qu’il tenait au moment de la première vague de l’épidémie. «On est tous capables de dire qu’on a gagné au Loto une fois que le tirage a eu lieu parce qu’on a tous les numéros», dézingue l’élu macroniste, contraignant Philippe Juvin à se défendre de n’avoir «jamais menti à dessein». La séquence, vue plus d’un million de fois sur Facebook et Twitter, donne de l’oxygène à un gouvernement et une majorité empêtrés dans les critiques de l’opposition, des élus locaux et de certains scientifiques pour la lenteur de sa campagne de vaccination. «Ça fait plaisir de voir un ministre qui tape, félicite la députée La République en marche Marie Lebec. Nous ne sommes pas nombreux à être capables de faire ça, il a été super bon. Nous avons beaucoup subi depuis début janvier et le fait d’avoir un leader qui tabasse, ça nous donne une direction.» Rendre les coups, enfin.

Après Philippe Juvin, Gabriel Attal a sèchement répondu aux attaques d’Anne Hidalgo, lundi, au micro d’Europe 1. Décidément en forme, le secrétaire d’État a renvoyé la maire de Paris dans les cordes, après qu’elle a tenté une comparaison entre la gestion de la crise sanitaire et le débarquement de juin 1944. «Si le Débarquement avait été géré comme Anne Hidalgo a géré les Vélib’, les bateaux n’auraient jamais quitté l’Amérique», a riposté l’élu macroniste.

Gabriel Attal s’est imposé depuis le début du quinquennat comme un atout pour la macronie, qui n’a pas vraiment brillé par sa maîtrise de la communication. Le bon élève récolte donc les félicitations unanimes du jury. À commencer par celles de son chef direct, Jean Castex, dont il est devenu très proche et avec qui il partage «le même humour»«Si Gabriel Attal est un très bon porte-parole du gouvernement, c’est parce qu’il est courageux, politique et qu’il connaît les dossiers de fond. C’est en effet à son travail et pas simplement à son talent – indéniable – qu’il doit sa réussite. Il a toute ma confiance!», s’enthousiasme le premier ministre auprès du Figaro.

Son prédécesseur, Édouard Philippe, porte lui aussi un regard bienveillant sur son ancien secrétaire d’État chargé de la Jeunesse. «Il est doué, Gabriel. Et son face-à-face (ou plutôt son côte à côte) avec Juvin il y a quelques jours était remarquable», loue le maire du Havre. «Il est très bon pour défendre l’action du gouvernement. Il sait garder la tête froide, y compris dans les moments de tension», abonde l’Élysée, quand Richard Ferrand, président de l’Assemblée, apprécie son expression «précise, juste, incisive». N’en jetez plus!

«J’ai simplement fait mon travail», réagit l’intéressé, les yeux cernés par cette rentrée offensive. Le 1er janvier, c’est lui qui est envoyé au front au «13 heures» de TF1 pour annoncer de mauvaises nouvelles sur le plan sanitaire et défendre la stratégie du gouvernement alors qu’à peine 300 personnes sont vaccinées, le privant d’un réveillon au Tchad avec le premier ministre auprès des troupes françaises. «Je n’ai jamais refusé de participer à une émission. J’y vais plutôt quand ça tangue et que ça paraît risqué, je n’hésite pas», confie le macroniste, une cigarette électronique dans une main et son iPhone dans l’autre.

On a vu le «jeune Gabriel» – c’est comme ça que l’appelle le premier ministre – en première ligne pendant l’affaire Benalla, la crise des «gilets jaunes» face à Jean-Luc Mélenchon en prime time ou encore commenter la déroute de son parti au premier tour des élections municipales, quand d’autres ministres chevronnés étaient aux abonnés absents.

Un engagement dans la durée

En tant que député et porte-parole de LREM, l’élu s’est fait connaître en fustigeant la «gréviculture» au moment de la réforme de la SNCF. L’ancien secrétaire d’État à la Jeunesse, qui a impulsé la création du service national universel mis à l’arrêt par la crise sanitaire, était donc taillé pour le poste qu’il occupe aujourd’hui, à l’Hôtel de Rothelin-Charolais, où il travaille sur le bureau qui appartenait à son père, l’ancien avocat puis producteur de cinéma, décédé en 2015. Pourtant, lors du remaniement, l’ex-socialiste encarté à l’âge de 17 ans se serait bien vu à Beauvau, en charge de la Citoyenneté, à la place de Marlène Schiappa. Sans regret.

Sa place lui permet aujourd’hui de participer à toutes les réunions stratégiques autour du président et du premier ministre, d’être présent aux Conseils de défense sanitaires. Conscient de présenter «une présomption d’arrogance» par son parcours et sa personnalité, Gabriel Attal veille à se montrer humble, accessible. «La phrase que je me répète, c’est que je ne suis pas là pour donner des leçons, mais des informations», développe le secrétaire d’État, qui assure n’avoir jamais suivi de média training.

Après la communication rugueuse de Benjamin Griveaux, les erreurs de Sibeth Ndiaye, l’élu mise sur la proximité et la jeunesse. Il se déplace une fois par semaine et échange avec un Youtubeur chaque dimanche soir en direct sur Instagram. Le benjamin de l’exécutif répond aussi aux questions de ses abonnés et n’hésite pas à se mettre en scène en train de tester le cerf-volant offert à son petit frère Nikolaï ou en préparant son dîner depuis la cuisine de son appartement de Vanves (Hauts-de-Seine) où il est élu et qu’il partage avec son compagnon Stéphane Séjourné, eurodéputé et conseiller du président. Un investissement qui paie, puisque Gabriel Attal est le ministre le plus suivi du gouvernement sur ce réseau social, avec 60.000 abonnés.

«Il a une façon assez jubilatoire d’exercer sa fonction, observe l’ancienne ministre socialiste Marisol Touraine, qui l’avait recruté en tant que conseiller parlementaire puis politique sous le précédent quinquennat. Il a une grande agilité et maturité politiques. Le défi qu’il a devant lui maintenant est celui de construire un engagement dans la durée qui ne soit pas uniquement dans la pratique et la joute politique.» Car l’ambition de Gabriel Attal est débordante, mais sa fonction l’empêche d’exprimer et d’affirmer ses convictions. Certains diront que celles-ci évoluent au gré des opportunités… «En tant que membre d’un gouvernement, on peut avoir une divergence d’approche sur tel ou tel sujet. Mais moi, je me sens plus utile en les défendant en interne», répond-il. L’ancien élève de l’École alsacienne puis de Sciences Po est par exemple favorable au maintien de la réforme des retraites, si la situation sanitaire le permet. Il en parlera certainement mercredi lors du séminaire gouvernemental qui se tient à huis clos. Loyal et légitimiste, jusqu’au bout.

Après s’être engagé tardivement en 2017, il compte bien jouer les premiers rôles dans la future organisation de campagne. En attendant, pour tenir bon dans la tempête, sa mère lui a offert à Noël des lunettes de luminothérapie. Les skippers du Vendée Globe y ont recours pour pallier le manque de lumière. «Je ne suis pas le skipper du bateau, mais même le moussaillon a besoin de prendre des forces», sourit Attal.

Mathilde Siraud

Source lefigaro