Noam* a été victime d’une triple agression le 8 octobre dernier à Pantin. Une information judiciaire a été ouverte pour « tentative de viol et de vol en raison de l’orientation sexuelle et religieuse ».
Le 8 octobre dernier, à Pantin (Seine-Saint-Denis), Noam (le prénom a été modifié) était victime d’une triple agression : antisémite, homophobe et une tentative de viol. « Une triple peine » pour ce jeune homme de 22 ans. « J’étais la cible parfaite parce que j’étais gay, parce que j’étais juif », assène-t-il.
Ses deux assaillants présumés, âgés de 16 et de 18 ans, l’ont agressé sur la voie publique. Il n’a dû son salut qu’au courage de passants, qui ont mis fin à son supplice et neutralisé les deux jeunes hommes jusqu’à l’arrivée de la police.
Ce jeudi 24 octobre, il est assis dans le cabinet de ses avocats, dans le VIIe arrondissement. Accompagné par sa meilleure amie qui ne le quitte plus depuis l’agression, il se protège derrière des lunettes aux verres bleutés. Il ne veut rien laisser paraître de son traumatisme.
« C’est comme un cauchemar qui revient »
Comme au soir du 8 octobre, il arbore le même look soigné, son visage aux traits délicats, les pommettes rehaussées d’une touche de blush, un petit collier de perles et coquillages autour du cou. En revanche, il ne porte plus son étoile de David « depuis le 7 octobre 2023 », date du massacre perpétré par le Hamas en Israël.
« Ce viol, parce que c’est un viol, cela fait partie de ma vie, lâche-t-il d’emblée d’une voix calme et maîtrisée. C’est comme un cauchemar qui revient. » La qualification juridique retenue est une tentative de viol car il n’y a pas eu pénétration. Mais pour la victime, cette agression a été vécue comme « une effraction de son intimité », traduit Me Oudy Bloch, qui défend ses intérêts avec Me Muriel Ouaknine Melki.
Le 8 octobre, à 20h20, Noam rentre du travail et va au tabac s’acheter des cigarettes, quand il est abordé par deux inconnus qui lui réclament « une clope ». L’un est assez jeune, l’autre, juste un peu plus vieux, semble zoner sur les bords du canal. Les caméras filmeront ces deux hommes, qui n’ont cessé d’importuner les passants. Noam finit par céder et leur tend son paquet. Puis ils le poussent à l’écart.
Un supplice qui semble durer une éternité
Ils font défiler son compte Instagram et tombent sur le drapeau d’Israël. Les massacres du Hamas ont juste un an. Noam a écrit une story. Puis apparaît un autre symbole aux couleurs arc-en-ciel de la communauté LGBT. À partir de là, les deux hommes partent en vrille, éructent des « sale pédé » et « sale juif ».
Pendant que l’un fait le guet, le mineur de 16 ans plaque le jeune homme contre un camion. « Il a baissé mon pantalon, puis mon caleçon. Il était en érection, il voulait me pénétrer », raconte Noam à voix basse. Les insultes continuent. Puis les échanges se poursuivent en arabe, incompréhensibles pour Noam. « Je les suppliais d’arrêter. J’attendais que ça se finisse, j’avais peur qu’ils soient armés. »
Cette séquence semble durer une éternité. Jusqu’à ce que des passants, alertés par les cris, se rapprochent. Courageusement, ils parviennent à maîtriser les deux agresseurs jusqu’à l’arrivée de la police. « J’ai eu énormément de chance de les avoir », salue Noam.
La victime est emmenée à l’hôpital, puis à l’UMJ (unité médico-judiciaire) qui lui délivre 10 jours d’ITT (interruption totale ou temporaire de travail). Il dépose plainte. Il ressortira du commissariat à 7 heures du matin. « C’est une très belle équipe qui m’a reçu et entendu », souligne-t-il.
Les deux auteurs présumés placés en détention provisoire.
En garde à vue, le mineur et son complice se sont défendus d’avoir tenté de violer Noam. Ils ont soutenu que c’est lui qui les avait abordés dans le but d’avoir un rapport sexuel. Ils sont déjà connus de la justice, notamment pour des vols et sont tous les deux d’origine algérienne, en situation irrégulière. Leur version a été démentie par les témoins mais aussi par les caméras de vidéosurveillance qui ont filmé le début de l’agression.
L’information judiciaire a été ouverte pour « tentative de viol et de vol en raison de l’orientation sexuelle et religieuse ». Le caractère antisémite et homophobe a été clairement retenu à l’encontre des deux auteurs présumés qui ont été placés en détention provisoire.
Un soulagement pour Noam mais pour le moment, il ne peut pas reprendre le cours normal de sa vie. Ni aller au travail. Il a été agressé à deux pas de son bureau. Le sujet est toujours sensible.
Pourtant, il fait l’effort de revenir sur ces instants et veut médiatiser son histoire, tout en étant protégé par l’anonymat. « Je veux que la justice passe. Je veux qu’il y ait plus de sécurité », assène-t-il. Lui qui ne sort plus qu’accompagné de son amie dévouée et ne se déplace plus qu’en VTC Uber « matin et soir ».
« Plus de 200 dossiers de plainte depuis le 7 octobre 2023 »
Cette affaire vient allonger la longue liste d’actes antisémites. « Depuis dix ans, il y a une progression constante. Depuis le 7 octobre 2023, c’est une explosion », déplorent Me Muriel Ouaknine et Oudy Bloch. Respectivement présidente et vice-président de l’Organisation juive européenne (OJE), ils pratiquent une défense de combat. Ils sont présents dans les procès où il est question d’antisémitisme.
Cette association constituée d’avocats bénévoles intervient « dès qu’il y a une atteinte physique à la personne avec une dimension antisémite », précise Me Ouaknine Melki. Au bout de « la ligne bleue », un service d’écoute consigne et aiguille les plaignants : 55 avocats sont mobilisés. « Nous recueillons une dizaine d’appels par jour. Plus de 200 dossiers de plainte ont à ce jour été enregistrés depuis le 7 octobre 2023. ».
L’histoire de Noam entre dans ce cadre mais avec une particularité : l’atteinte sexuelle. « Avec ce mode opératoire, une étape supplémentaire est franchie dans la violence physique et antisémite. C’est peut-être un nouveau schéma d’agression qui se met en place pour exprimer une volonté de souiller et d’humilier les victimes », supposent ses conseils.
Ils estiment que l’OJE a fait bouger les lignes : « Notre travail a permis de modifier les positions des parquets. Dès lors qu’il se profile une dimension antisémite, ils ouvrent une instruction avec cette circonstance aggravante. Cela permet de mener des investigations plus larges et de ne pas laisser un pan du dossier échapper à la justice. »
Noam attend le procès. Mais il ne sait pas encore s’il restera en France.
*Ce pseudonyme a été donné pour garantir l’anonymat de la victime.
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