Ayelet, mère d’un otage du 7 octobre : « Rendez-moi mon fils »

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Alors que l’armée israélienne a ramené ces derniers jours les corps de quatre puis trois otages retenus dans la bande de Gaza depuis l’attaque du Hamas, la mère de Jonathan Samerano appelle à l’aide la communauté internationale.

Cela fait 229 jours qu’Ayelet Samerano attend le retour de son fils. Depuis ce funeste jour du 7 octobre 2023 où Jonathan, 21 ans, est parti avec des amis danser dans un festival, depuis que des terroristes palestiniens ont attaqué le sud d’Israël, massacrant près de 1 200 personnes et en kidnappant 240 autres.

A Paris, où elle est venue, avec une délégation de parents d’otages détenus à Gaza, rencontrer le ministre des Affaires étrangères Stéphane Séjourné et d’autres responsables politiques, Ayelet multiplie les entretiens avec la presse. Les traits tirés, élégante et digne, elle répond patiemment. « Que me reste-t-il à part parler de mon fils ? A part supplier les acteurs politiques du monde entier d’agir pour obtenir sa libération ?, demande-t-elle. Jonathan occupe toutes mes pensées. Chaque matin, quand je pars au travail, je m’oblige à parler au téléphone avec des amis, car sinon je ne peux pas m’empêcher de pleurer. Je ne parviens pas à écouter de la musique ou les infos, mon esprit part vers lui. Je n’ai que ces appels pour me maintenir dans ce monde. »

A la maison, Ayelet s’efforce de rester « courageuse et forte » pour son son fils cadet. Mais elle confie :  Il n’y a pas un instant où mon esprit n’est pas en conflit. Si je mange ou je bois quelque chose, je me dis : comment puis-je manger ou boire, alors que mon fils est affamé, assoiffé, là-bas ? 

En réalité, Ayelet sait que Jonathan est très probablement mort. Des caméras de surveillance ont filmé son corps inanimé à l’entrée du kibboutz de Be’eri, où il avait tenté de se réfugier avec quelques amis après avoir fui le festival Tribe of Nova, ne sachant pas que les terroristes du Hamas avaient également investi les lieux. Sur les images, on peut voir une camionnette blanche s’arrêter, plusieurs hommes en sortir et, après avoir déplié une couverture pour protéger leur coffre, y déposer le corps de Jonathan. Mais Ayelet ne peut s’empêcher de garder un mince espoir de revoir son fils vivant. Comment survivre autrement ?

Depuis dix jours, l’armée israélienne a annoncé coup sur coup avoir retrouvé les corps de quatre puis trois otages enlevés le 7 octobre 2023.

Ce fut d’abord une rumeur parmi les proches des personnes kidnappées. Mais, assez vite, les autorités ont informé les familles concernées, et les noms des victimes ont été publiés par la presse. Sans celui de Jonathan. « Je ne parviens pas à décider si c’est une bonne chose ou non que mon fils ne fasse pas partie de cette liste, murmure Ayelet. Cela pourrait signifier qu’il y a encore un tout petit espoir qu’il soit en vie quelque part là-bas. Mais, d’un autre côté, s’ils l’avaient retrouvé, s’ils me l’avaient ramené, il serait enfin avec nous… Combien de temps va encore s’écouler avant que je puisse embrasser mon garçon une dernière fois, le tenir dans mes bras une toute dernière fois ? Pourquoi me prive-t-on de ce dernier baiser ? »

« Une tornade de mort »

Dans l’espoir de peser sur les négociations en cours et d’obtenir ces quelques instants avec son aîné, Ayelet a donc accepté d’intégrer cette petite délégation de parents pour raconter son histoire et surtout appeler à l’aide la communauté internationale, et les autorités françaises en particulier. Elle insiste : « J’ai élevé mon fils avec la paix comme idéal de vie, l’amour comme leitmotiv, le bonheur comme objectif. Mais, le 7 octobre, il a été emporté par une tornade de mort qui peut s’abattre sur n’importe quel pays. Ce n’est pas, comme on peut le lire dans la presse occidentale, un nouvel épisode de ce que vous appelez le conflit israélo-palestinien. Non, c’est une monumentale attaque terroriste dont Israël a été victime. Ces monstres ont tué, ont violé, ont enlevé les nôtres… Et pourtant, la communauté internationale n’exige pas d’eux qu’ils nous rendent nos otages. Le monde refuse de les considérer comme un groupe terroriste. Pire, le monde continue de les soutenir financièrement. Ils tuent, ils violent, ils kidnappent et le monde leur offre tout ce qu’ils veulent : maintenant, on leur reconnaît même un Etat. C’est le terrorisme qui est récompensé ! » Le 22 mai, l’Espagne, l’Irlande et la Norvège ont rejoint les 143 pays membres de l’ONU qui reconnaissent officiellement l’Etat de Palestine.

Le 16 mai, Ayelet était aux côtés de l’ambassadeur d’Israël aux Nations unies devant le Conseil de Sécurité. « Un employé de l’UNRWA [l’agence onusienne pour les réfugiés palestiniens] a kidnappé mon fils. Un employé des Nations unies. Un homme qui a traîné le corps de mon fils et l’a emporté comme un trophée à Gaza. L’ONU a-t-elle mon fils ? Sait-elle où il est ? Je vous demande de me le rendre », a-t-elle imploré. Grâce aux images filmées à l’entrée du kibboutz, les autorités israéliennes ont en effet réussi à identifier l’homme qui a enlevé Jonathan comme un employé de l’UNRWA. En tout, douze membres de l’agence ont participé aux exactions du 7 octobre 2023, selon les services de sécurité israéliens.

Alors, Ayelet refuse de distinguer les mouvements terroristes palestiniens du reste des habitants de la bande de Gaza. « Le 7 octobre, la population s’est jointe aux combattants des groupes terroristes palestiniens pour attaquer les kibboutz du sud d’Israël. Eux aussi ont tué, violé, cambriolé. A Gaza, les gens célébraient ces crimes et les célèbrent toujours. De nombreuses vidéos montrent les manifestations de joie cruelle autour des personnes kidnappées. Certains ont caché les otages chez eux… Comment pourrais-je différencier tous ces gens de ceux qui se revendiquent comme des combattants ? »

Aux Nations unies, l’ambassadeur suisse lui a demandé quelles étaient ses suggestions pour faire face à la situation à Gaza. Cette mère meurtrie a avancé des solutions intransigeantes : « Je lui ai dit : vous êtes soucieux pour les Gazaouis ? Moi aussi. Je souhaite comme vous qu’ils soient heureux car je pense qu’alors, ils nous laisseront en paix. » Pour cela, il est urgent selon Ayelet de cesser tout transfert de fonds vers l’enclave : « C’est de l’argent qui part directement dans les poches du Hamas, pour financer les armes, les roquettes, les tunnels, affirme-t-elle. Il faut déployer des gens courageux du monde entier pour effectuer les distributions alimentaires, reconstruire, instruire les enfants. Si vous laissez toutes ces missions fondamentales aux Gazaouis, vous les laisserez en réalité au Hamas. Et on a vu ce qu’ils ont fait de Gaza. »

Mais, pour elle, il n’y a aujourd’hui qu’une priorité absolue : « Rendez-moi mon fils ! Libérez les otages maintenant. »