Discours de Yonathan Arfi, président du Crif

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Le président du Conseil représentatif des institutions juives de France, Yonathan Arfi, condamne la tentative d’incendie de synagogue à Rouen et la profanation du Mémorial de la Shoah.

Vendredi matin, un homme incendie la synagogue de Rouen. Les images de la synagogue partiellement carbonisée, sauvée de la destruction par le professionnalisme des pompiers et policiers, ont suscité l’effroi mais pas la surprise. Chacun ressent la banalisation de l’antisémitisme : 366 actes comptabilisés pour le seul premier trimestre 2024, en augmentation de 300 % par rapport à 2023. Rien ne semble pouvoir contenir la flambée actuelle d’antisémitisme et des Français juifs vont jusqu’à questionner leur avenir en France.

 » Au soir de ma vie, je retrouve, hurlés par des fanatiques, les mêmes mots que je voyais, enfant, inscrits à la craie sur les murs de mon lycée parisien, avant la guerre  » constatait Robert Badinter en 2014. Ces  » mêmes mots  » ce sont ceux de la haine des Juifs. En 2024 ces mots s’étalent à nouveau sur les murs de notre pays, à la faveur de l’antisémitisme libéré, partout dans le monde, par le 7 octobre.

Un tag « 1 sioniste, 1 balle »  à Strasbourg, jeudi. Le sigle NSDAP et une croix gammée tracés sur la façade d’une synagogue de Marseille, mercredi. Des mains rouges ensanglantées, sur le mur des Justes du Mémorial de la Shoah, mardi. Et partout, au milieu d’un peu d’indignation et de beaucoup d’indifférence, des mots et des gestes qui ostracisent les Juifs dans la rue, dans des universités, dans des lycées, sur les réseaux sociaux, parfois jusque dans les écoles primaires…

Les violences antisémites des derniers mois sont un prolongement mimétique des attaques du 7 octobre, désinhibées et activées par la diffusion en temps réel des massacres du Hamas. Mais elles se nourrissent aussi d’un climat idéologique. Des confusions morales coupables et dangereuses sont cultivées politiquement, notamment par des dirigeants de LFI à la stratégie outrancière et clientéliste. Elles sont portées médiatiquement par des chaînes comme Al Jazeera et sa déclinaison numérique AJ+. Ces confusions sont chaque jour renforcées par les peurs, les petites lâchetés et les aveuglements volontaires.

Le Hamas est présenté comme un mouvement de libération ou de résistance. L’accusation mensongère de génocide autorise les agressions contre les Juifs, dont l’attachement à Israël devient alors une complicité coupable. Les Juifs incarnent aux yeux des islamistes et d’inquisiteurs décoloniaux ou indigénistes la figure par excellence de l’oppresseur, considérée comme alliée à l’establishment en France et complice d’Israël à Gaza.

Un climat de terreur insupportable

La haine des Juifs s’est brutalement réveillée, nourrie à l’islamisme, au complotisme et de plus en plus à la haine d’Israël. Non pas la critique, légitime comme pour toutes les démocraties, mais bien l’expression haineuse et obsessionnelle contre Israël, la contestation de la légitimité même de son existence.

Les actes antisémites visent à instaurer un climat de terreur insupportable pour les Français juifs. Quand on veut détruire une synagogue, on s’en prend au symbole le plus visible de présence des Juifs dans la société, comme pour chercher à les effacer du corps social. C’est un message d’intimidation adressé aux Juifs. Mais c’est aussi un message d’intimidation à tous les Français, en particulier à ceux que la haine des Juifs répugne. La menace est claire : s’opposer à l’antisémitisme, c’est prendre le parti des Juifs, c’est rejoindre le camp des oppresseurs et s’exposer à la même violence. Face à ces intimidations, qui prendra encore le risque de lutter contre l’antisémitisme ?

« Pas un Français ne sera en sécurité tant qu’un Juif, en France et dans le monde entier, pourra craindre pour sa vie « , disait Jean-Paul Sartre. Faire entendre que la violence antisémite est une charge de terreur pour les Français juifs, mais aussi une menace pour tous les Français, est un défi existentiel. Combattre l’antisémitisme, c’est plus que jamais desserrer l’étau qui oppresse la société tout entière et faire oeuvre utile pour tous face aux compromissions et confusions idéologiques qui menacent la République