Etudiants juifs à Sciences Po Menton, ils partagent leur malaise face aux remarques antisémites dont ils racontent être victimes.
Sur le campus de Sciences Po Menton, les étudiants de confession juive sont à peine une dizaine. Une poignée de jeunes Français et Américains, pour la plupart, qui avaient connaissance avant même leur arrivée en première année à Menton que la situation était sensible sur le campus, mais depuis le massacre du 7 octobre, » l’atmosphère est devenue franchement malsaine pour nous » explique un étudiant juif, qui souhaite garder l’anonymat….
« Au début de l’année scolaire, des étudiants distribuaient des stickers très clairs ‘Boycotte Israël’ou ‘Palestine vivra’ » explique-t-il. Le ton était déjà donné et n’a fait que s’intensifier.
» Difficile de s’intégrer dans ce climat… Et depuis des mois, quand on rentre sur le campus, dans le couloir, on peut voir des affiches de civils morts à Gaza. De leur côté, des étudiants juifs ont affiché des portraits des otages retenus par les terroristes du Hamas, on vit tout le temps dans cet environnement, et on finit par s’y faire « , se navre le jeune homme. Il fait remarquer qu’il n’a pas subi d’agressions physiques, mais suivre ses études dans un tel climat devient compliqué.
» Il y a des jours normaux où tout se passe relativement bien et puis d’autres plus difficiles… ça commence par une blague antisémite, entendue par tous, jetée sur les bancs de l’amphithéâtre ou lancée à l’extérieur. Je dirai que c’est faire preuve de méchanceté et d’immaturité, mais aussi d’ignorance, quoiqu’elle soit quand même un peu volontaire… Moi, j’évite la politique de la confrontation et j’essaie même de discuter avec certains, ou je fais le gars qui n’entend pas ou qui trouve ça drôle pour éviter le scandale… Car au fond, ça ne sert à rien, mais la vérité c’est que je vis chaque jour une hostilité franche à Israël et un antisionisme, dont je suis persuadé qu’il est à 99% antisémite… Des étudiants juifs et d’autres ont bien mis en place en partenariat avec Amnesty Menton une conférence sur l’antisémitisme pour essayer d’éveiller les consciences… mais le chemin sera long « .
» Oui à la liberté d’expression mais pour ceux d’entre nous qui défendent leurs opinions, c’est une autre affaire. Aujourd’hui, la majorité des étudiants juifs compte les jours pour partir. Certains de seconde année disent que s’ils avaient su, ils auraient quitté le campus dès la fin de la première année… Un étudiant l’avait déjà fait. Moi aussi, j’ai attendu un peu mais aujourd’hui, j’ai une volonté de partir. Si ça continue, le campus mentonnais va inexorablement se vider de ses étudiants juifs… »
Un avis que partage une étudiante juive, qui veut également rester anonyme. » Dans ce climat invivable, je ne recommande à aucun étudiant de venir sur ce campus, je dirai même qu’il faut le fuir! Et le pseudo-combat qu’on essaie de mener ne portera pas ses fruits. L’antisémitisme déjà présent avant le 7 octobre est aujourd’hui vicieux, les étudiants juifs sont mis de côté, isolés, on ne leur parle plus, il y a même des refus de collaborer avec eux en cours, moi c’est simple, j’ai arrêté d’aller en cours… Ce n’est vraiment pas la peine de gâcher ses deux premières années d’enseignement supérieur… D’autant qu’il n’y a pas de fermeté, ni de sanction face à cette situation » .