Al-Jazeera, la chaîne qatarie dans le viseur de Netanyahou

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Le Parlement israélien a voté une loi permettant d’interdire la diffusion de médias étrangers portant atteinte à la sécurité de l’État.

L’épreuve de force se poursuit entre Benyamin Netanyahou et la chaîne de télévision arabe. L’objet du litige ? Alors que l’armée israélienne a affirmé à plusieurs reprises que des journalistes d’Al-Jazeera étaient « des agents terroristes » affiliés au mouvement islamiste palestinien Hamas, le média nie farouchement ces accusations. De son côté, elle accuse Israël de cibler systématiquement ses employés dans la bande de Gaza. Retour sur ce litige.

Acte I : l’armée israélienne accuse un journaliste blessé à Gaza d’être membre du Hamas

L’armée israélienne accuse, mercredi 14 février, un journaliste d’Al-Jazeera, blessé lors d’une frappe israélienne à Gaza, d’être un militant du Hamas, et de s’être même filmé dans un kibboutz attaqué le 7 octobre. Ismaïl Abou Omar « est le commandant adjoint d’une compagnie au sein du bataillon de l’est du Hamas, à Khan Younès.

Abou Omar s’est même filmé au kibboutz Nir Oz lors du massacre du 7 octobre et a publié (sa vidéo) sur les réseaux sociaux », affirme Tsahal dans un communiqué. Le kibboutz, en lisière de la bande de Gaza, a été le théâtre de l’un des pires massacres perpétrés par le Hamas ce jour-là.

Acte II : la chaîne Al-Jazeera rejette les accusations israéliennes

Le lendemain, le média qatari, Al-Jazeera, rejette les accusations de l’armée israélienne. « La chaîne condamne les accusations portées contre ses journalistes et rappelle la longue histoire de mensonges et de fabrication de preuves d’Israël à travers laquelle il cherche à cacher ses crimes odieux », écrit Al-Jazeera dans un communiqué.

Selon cette télévision, son correspondant Ismaïl Abou Omar et son caméraman Ahmed Matar ont été blessés mardi par une frappe israélienne dans le secteur de Rafah, dans le sud de la bande de Gaza. Dans son communiqué, Al-Jazeera souligne que sa « politique d’emploi stipule que les employés ne doivent avoir aucune affiliation politique susceptible d’affecter leur professionnalisme ».

Acte III : la Knesset vote une loi interdisant la diffusion d’Al-Jazeera.

Lundi 1 er avril, la Knesset – le Parlement israélien – approuve une loi permettant d’interdire la diffusion en Israël de médias étrangers portant atteinte à la sécurité de l’Etat. Objectif derrière ce texte : viser la chaîne qatarie. Cette loi approuvée selon une procédure accélérée et à une très large majorité par les députés (70 pour, 10 contre) donne au Premier ministre la possibilité d’interdire la diffusion de contenus de la chaîne visée mais aussi de fermer ses bureaux en Israël.

Le Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou, annonce vouloir « agir immédiatement » pour interdire la diffusion de la chaîne qatarie en Israël, après le vote par le Parlement d’une loi l’autorisant à le faire. « La chaîne terroriste Al-Jazeera ne diffusera plus d’Israël. J’ai l’intention d’agir immédiatement en accord avec la nouvelle loi pour arrêter les activités de la chaîne », déclare Benyamin Netanyahou sur le réseau social X.

La chaîne de télévision qatarie Al-Jazeera dénonce, lundi 2 avril, son éventuelle interdiction de diffusion par Israël, qualifiant les propos du Premier ministre israélien de « mensonge dangereux et ridicule ».

Al-Jazeera fustige une « campagne frénétique » à son encontre lancée par Benyamin Netanyahou qui l’accuse de « nuire à la sécurité d’Israël » et d’avoir « activement participé à l’attaque du 7 octobre », d’après un communiqué de la chaîne. « Le réseau Al-Jazeera condamne ces déclarations et n’y voit qu’un mensonge dangereux et ridicule ».

Acte V : le Hamas accuse Israël d' »occulter la vérité »

Dans la foulée, le Hamas s’en mêle. Il dénonce dans un communiqué la résolution d’Israël « qui cherche désespérément à occulter la vérité sur ses crimes odieux, qui font honte à l’humanité, et dont le monde entier a été témoin à travers les écrans d’Al-Jazeera et des médias libres ». Le Comité de protection des journalistes (CPJ) ajoute quant à lui sur X être « profondément préoccupé par la nouvelle législation autorisant le gouvernement Netanyahou à fermer Al-Jazeera en Israël ». « Cela contribue à un climat d’autocensure et d’hostilité envers la presse, une tendance qui s’est intensifiée depuis le début de la guerre », déclare le CPJ.

Le chef du bureau d’Al-Jazeera dans le territoire palestinien, Wael al-Dahdouh, a été blessé par une frappe israélienne en décembre qui a tué le caméraman de la chaîne dont le siège est au Qatar. Ce pays est aussi le lieu de résidence du chef du Hamas, Ismaïl Haniyeh.

Acte VI : Washington réagit

La Maison-Blanche sort du silence et juge « préoccupante » une éventuelle interdiction en Israël de la diffusion de la chaîne Al-Jazeera, que le Premier ministre Benyamin Netanyahou a promis de mettre en œuvre « immédiatement ».

« Je vais vous renvoyer vers Israël sur ce qu’ils envisagent de faire mais […] si c’est vrai, une telle décision serait préoccupante », réagit la porte-parole de l’exécutif américain Karine Jean-Pierre, ajoutant : « Nous croyons à la liberté de la presse ».

Source lexpress