L’avocat de 95 ans qui a incarné le combat pour l’abolition de la peine de mort, Robert Badinter, est mort dans la nuit du jeudi 9 février. Pour « Charlie », son ami et confrère Richard Malka, revient sur ce personnage qui a marqué le XXème siècle.
Robert Badinter est mort. La figure des années Mitterrand, l’avocat qui a incarné le combat pour l’abolition de la peine de mort s’est éteint dans le nuit de jeudi 8 février, à l’âge de 95 ans. « J’ai essayé de transformer la justice, la rendre plus humaine », expliquait l’ex-garde des Seaux dans l’un de ses derniers passages télévisés en novembre dernier. Son ami de longue date, l’avocat Richard Malka, revient, pour Charlie, sur l’impact qu’a eu cette grande figure de la Ve République.
Charlie Hebdo : Qui était Robert Badinter pour toi ? Un ami, un modèle ?
Richard Malka : C’était une figure tutélaire, un guide, un ami, un co-auteur aussi d’ailleurs. Il m’avait fait l’honneur de me demander d’adapter Idiss, le récit de la vie de sa grand-mère en bande dessinée. C’est quelqu’un de très présent dans ma psyché, une référence.
Quelle marque a-t-il laissée dans les prétoires ?
C’était un avocat d’un immense talent, parce que sincère, parce qu’il plaidait avec ses tripes, avec son cœur. C’est quelqu’un qui n’était jamais dans la posture. Il y a bien sûr son combat pour l’abolition de la peine de mort, qui n’est qu’une résultante de son amour pour les Lumières, pour la République des Lumières. On le sait moins, mais il a également été un grand avocat du droit d’auteur et du droit du cinéma.
Toutes les professions évoluent, changent, mutent. Aujourd’hui on exerce de manière un peu différente mais ce qui intemporel c’est la sincérité et le courage. L’inverse des postures, donc.
On le connait aussi pour son combat contre le négationniste Robert Faurisson, qu’il avait qualifié de « faussaire de l’histoire ».
Oui, Robert Faurisson l’avait d’ailleurs poursuivi pour ça. Robert Badinter, c’était un combattant, il avait été marqué des ses plus jeunes années par le négationnisme, la discrimination envers les Juifs et la Shoah qui avait touché sa famille dans sa chair. Il ne faut pas oublier qu’ils avaient traversé ça. Il était impossible pour lui de ne pas en faire un de ses grands combats.
Quel regard portait-il, ces dernières années, sur l’évolution de nos sociétés ?
Il était très préoccupé par ce qui se passe en Ukraine. Dans tous nos derniers déjeuners, il m’en parlait. Plus généralement, il s’inquiétait de la montée des extrêmes, de la radicalisation de l’opinion. C’était un homme de raison, le déchainement des passions politiques, la polarisation à l’extrême, tout cela l’inquiétait. Il faut rappeler que Robert Badinter était un universaliste sincère.
Une valeur, l’universalisme, qui n‘est malheureusement plus très en vogue aujourd’hui. S’inquiétait-il de la disparition de la doctrine qui l’a porté toute sa vie ?
Je l’ai vu assez récemment. Il demeurait un homme de combat, de courage, aux convictions puissantes. Bien sûr, il était inquiet mais je ne pense pas qu’il ait jamais versé dans le fatalisme. Robert était un homme d’idées, il m’a beaucoup appris, notamment une certaine forme d’intégrité, d’abnégation au service du droit. La seule radicalité qui était la sienne, c’était la radicalité du courage.
Propos recueillis par Yovan Simovic