Une cérémonie honorait, mercredi, au mémorial des mineurs la Montagne noire dans l’Aude, treize juifs déportés en 1944, tous anciens travailleurs des mines d’or de Salsigne. Leur histoire, oubliée après la guerre, a été remise en lumière par des particuliers.
Il aura fallu quatre-vingts ans pour les sortir de l’oubli. Une cérémonie honorait, le 31 janvier, treize juifs déportés en 1944, tous anciens travailleurs des mines d’or de Salsigne, dans l’Aude.
Venus d’Europe de l’Est pour fuir le nazisme, ils avaient été employés par le régime de Vichy dans ces mines d’or, au cœur de la région de la Montagne noire. Dénoncés et raflés le 31 janvier 1944 sur leur lieu de travail, ils ont été déportés en février de la même année vers le camp d’extermination d’Auschwitz, en Pologne. Un seul d’entre eux en est revenu.
Depuis, leur histoire avait été oubliée. Cette cérémonie, tenue au mémorial des mineurs de la Montagne noire de Salsigne, vient réparer cet oubli. Une cinquantaine de personnes étaient présentes, dont les représentants de l’association Culture et patrimoine juif de Narbonne.
Un hommage 80 ans après
L’histoire de ces mineurs juifs déportés a été redécouverte par Frédéric Ogé et Robert Montagnié, deux retraités et résidents de Salsigne. Le premier est ancien chercheur en histoire au CNRS et le second est ancien mineur, à la retraite depuis la fermeture du site de Salsigne en 2004. Les deux sont voisins, et lorsque Frédéric Ogé découvre en 2019 un billet de blog qui relate l’histoire des déportés de Salsigne, ils décident ensemble d’aller fleurir tous les ans le mémorial des mineurs de la Montagne noire en leur hommage.
Ce mercredi 31 janvier 2024, 80 ans jour pour jour après la rafle, les noms des treize déportés ont été ajoutés sur une plaque du mémorial des mineurs, qui honore les travailleurs du site morts au combat ou au travail. « Ceux que l’on commémore aujourd’hui, bien sûr, ne sont pas morts au combat, ils sont morts dans les chambres à gaz, mais ils croyaient en la France et ils pensaient être protégés par la France. Et malheureusement, ce ne fut pas le cas« , énonce Frédéric Ogé. « On rend hommage aux mineurs, à tous les mineurs, et ceux-là, il ne fallait pas les oublier« , complète Robert Montagnié.
Exhumés des archives
Le billet de blog découvert par Frédéric Ogé, publié en 2016, a été écrit par Martial Andrieu, auteur de plusieurs ouvrages sur l’histoire de la région de Carcassonne. Ce dernier relate, après l’avoir exhumé des archives départementales de l’Aude, le témoignage de Mayer Stern, le seul rescapé de la rafle de Salsigne, lors du procès pour assassinat et trahison, en 1945, de René Bach, un agent français de la Gestapo ayant participé aux arrestations des juifs de l’Aude.
Tout juste revenu d’Auschwitz, Mayer Stern avait témoigné à la barre de la cour d’assises de l’Aude. Martial Andrieu rapporte ses propos sur son blog : « Un commandant allemand, six militaires et le nommé Bach sont venus avec un camion, et une conduite intérieure. Nous avons été placés dans le camion et nous avons tous été amenés à la caserne de Carcassonne« . S’en est suivie la déportation en Pologne par le convoi 68 au départ de Drancy.
Désormais, la plaque commémorative assure que cet épisode ne sera pas oublié. Elle inscrit durablement les noms des treize déportés de Salsigne : Joseph Coifman, Mathias Gartner, Max Gold, Jacques Harth, Carl Kampelmacher, Chaïm Rawicki, Robert Grün, Tibor Jaeger, Ladislas Knopf, David Goldstein, Louis Kantorowitz, Leopold Schloss et Mayer Stern.