L’israélien Aleph Farms a obtenu la première approbation réglementaire au monde pour le bœuf cultivé. La start-up qui espère proposer ses produits à la mi-2024, n’est pas seule de l’écosystème du pays à viser la pole position.
C’est une première mondiale dans le bœuf de culture. Née en 2017 avec l’appui de The Kitchen Hub, l’incubateur du groupe agroalimentaire Strauss financé par l’Autorité israélienne de l’innovation, la start-up Aleph Farms, établie à Rehovot (30 kilomètres au sud de Tel Aviv) vient d’obtenir un feu vert règlementaire pour commercialiser et produire ses steaks de culture en Israël. Saluant cette «étape historique», le pionnier de la viande de culture, cofondé par le franco-israélien Didier Toubia et la chercheuse du Technion (le MIT israélien), Shoulamit Levenberg, veut commencer à proposer son produit à base de cellules bovines d’ici quelques mois dans un petit nombre de restaurants, à un prix similaire à celui du steak «premium».
Une fois avoir rempli «les exigences spécifiques d’étiquetage et de marketing du ministère israélien de la Santé, et de l’achèvement de l’inspection des bonnes pratiques de fabrication pour sa ligne de production pilote», Aleph Farms qui a levé 140 millions de dollars depuis sa création, espère poursuivre sur cette lancée. Ses produits sont notamment en cours d’homologation à Singapour, marché qui comme Israël, reste fortement importateur de viande bovine. «Nous visons les pays à forte dépendance, confirme Didier Toubia, dont la firme cultive in vitro des tissus de viande pendant trois à quatre semaines, sans provoquer de souffrance animale. Et en Asie, le taux d’acceptation de la viande cultivée est de l’ordre de 90% contre 60 à 75% en Europe».
Seules deux autres sociétés au monde – Upside Foods et Good Meat- ont reçu un aval règlementaire, en l’espèce celui du département américain de l’agriculture en juin 2023, pour vendre de la viande cultivée de poulet. Un segment sur lequel la start-up israélienne Believer Meats espère aussi s’imposer. Fondée par le chercheur Yaakov Nahmias, de l’Université hébraïque de Jérusalem, cette biotech qui a développé une technologie non-OGM de poulet cultivé, finalise la construction de la première unité de production à grande échelle de viande de synthèse en Caroline du Nord.
La food tech valley israélienne est très active sur le marché mondial des protéines alternatives en général, et en particulier, sur celui de la viande cultivée qui devrait atteindre 20 milliards de dollars en 2027, avec un taux de croissance annuel supérieur à 15%. «Trois des huit premières entreprises de production de viande cultivée dans le monde sont israéliennes», rappelle Alla Voldman, vice-présidente au sein du Good Food Institute Israël et «15 % des investissements mondiaux du secteur, sont alloués à nos fabricants de viande cultivée».
Un écosystème dynamique
En dépit des attaques du 7 octobre et de près de quatre mois de guerre avec le Hamas à Gaza, le dynamisme cet écosystème ne se dément donc pas. Mi-janvier, The Mediterranean Food Lab qui crée des arômes naturels et fermentés pour rendre plus «goûteuses» les viandes alternatives et mets à base de protéines végétales, a annoncé avoir levé 17 millions de dollars, auprès du suédois Gullspång Re:food et d’anciens investisseurs tels PeakBridge (membre d’Edmond de Rothschild Private Equity). La start-up qui, selon nos informations, est en train de monter un centre de R&D à Dijon (Côte d’Or), veut augmenter sa production industrielle aux Pays-Bas et la promotion ses arômes auprès de la restauration et des industriels.
Née à l’instar d’Aleph Farms, au sein l’incubateur The Kitchen Hub, Forsea Foods, spécialisée dans les tissus de poisson cultivés, vient pour sa part de dévoiler son premier prototype d’anguille d’eau douce cultivée en cellules. Après avoir reproduit avec succès l’anguille unagi japonaise traditionnelle, cette société co-fondée voilà trois ans par l’ingénieur biotech Roee Nir a aussi officialisé une collaboration avec le restaurant SAIDO, à Tokyo, sacrée meilleure table végétalienne de la planète en 2019. Forsea qui prévoit un lancement commercial en 2025, recherche des partenaires stratégiques au Japon – le plus grand consommateur d’anguille d’eau douce – et en Asie.
Nathalie Hamou, à Tel-Aviv