Gilles Lascar : « Deux poids, deux mesures »

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Représentant de la communauté juive de Roanne, Gilles Lascar se désole de constater que de nombreux observateurs condamnent la riposte israélienne en occultant les crimes qui l’ont provoquée. Sans animosité mais avec le souci de rétablir l’équilibre.

Le 7 octobre dernier, partout dans le monde, des yeux hallucinés se sont fixés sur les écrans et ont découvert l’horreur de l’attaque du Hamas contre Israël. Meurtres, viols, enlèvements… Pas besoin d’être juif pour être abasourdi par une telle barbarie alimentée par une haine séculaire. Pour le peuple tant de fois martyrisé par l’Histoire, la Terre s’est arrêtée de tourner. Ces quelques millions d’individus répartis de par le monde et dont certains ont choisi de se regrouper au Proche Orient ont vécu dans leur chair les atrocités commises. Au-delà de la politique, au-delà des revendications de territoires. Juste la souffrance de leurs pairs qui s’est répandue jusqu’à eux.

La guerre fait rage, donc, mais il n’est pas belliqueux. Gilles Lascar est né en Algérie, mais il est Roannais avant tout. Le ton et le regard du dentiste qui dit avoir « reçu l’amour de la France par [son] père » sont doux. Ils témoignent de l’état d’esprit d’un homme qui veut se garder de la haine. Il n’empêche que, président de l’Association cultuelle israélite de Roanne depuis deux ans, il se trouve aux responsabilités à un moment sensible. Et qu’il souffre, lui aussi, pour ses proches, pour ses pairs. « Nous ne sommes que 15 millions dans le monde alors chaque juif connaît des gens qui vivent en Israël. Je suis en contact avec beaucoup de gens sur place. Presque heure par heure. Là-bas, la vie est dure. Les gens de mon âge avec qui je communique, leurs enfants sont au front. Ils sont dans l’angoisse totale, mais ils ont confiance en leur armée. Ils sont solidaires. Ils sont prêts au sacrifice des vies, de l’économie, de leurs enfants. »

Sidération

Au-delà de la dimension géopolitique, la communauté roannaise s’est trouvée en émoi. « Après le 7 octobre, c’était la sidération plus que la colère. Nous, les juifs, nous retrouvons face à des gens pétris de haine. »

Le rassemblement organisé à Roanne pour protester face aux premiers actes antisémites commis en France suite à la riposte israélienne, le 12 novembre dernier, n’avait pas attiré les foules. Mais la communauté avait apprécié le soutien. Depuis, ce sont surtout les associations qui réclament le cessez-le-feu et dénoncent la dureté de la réaction militaire des Israéliens qui se font entendre, qui se mobilisent désormais chaque semaine ( lire ci-dessous ). Pour Gilles Lascar et les membres de la communauté juive de Roanne, il n’est pas question de critiquer ces revendications. Mais de les restituer dans le contexte et de s’écarter de la politique interne d’Israël. « J’ai des gens sur place qui me disent : “On règle le sort du Hamas et après on réglera le sort de Netanyahou.” Car du fait du système démocratique israélien, celui-ci ne peut pas gouverner sans l’alliance de partis d’extrême droite. » Façon de dire que la politique menée par le Premier ministre israélien a pu jeter de l’huile sur un feu jamais éteint depuis le lendemain de la Seconde Guerre mondiale et la création de l’État d’Israël.

Quel avenir après la guerre?

Alors, si Gilles Lascar espère que la guerre sera la plus courte possible, il ne se fait pas trop d’illusions non plus sur d’éventuels lendemains qui chanteraient. « La haine est ancrée. Il y a de la propagande anti-israëlienne, bien sûr, en Palestine. Et les enfants, les proches des gens qui sont tués, on peut imaginer et comprendre qu’ils nourriront un sentiment de revanche. Je ne suis pas très optimiste », confie Gilles Lascar. Qui, à titre personnel, se dit favorable à la création d’un état palestinien. « Il n’a jamais réellement existé, mais nous sommes nombreux à dire que si, en tant que juifs, on réclame une terre, pourquoi les autres n’y auraient pas droit ? »

Pour l’avenir plus lointain, Gilles Lascar imagine, par exemple, après la guerre, « la régulation par une force de l’ONU. En paix, Gaza, avec son accès à la mer, pourrait être un paradis. » Un avenir qui reste à construire. Sur les cendres de décennies de conflits, la tâche s’annonce ardue. Il faut une foi à renverser les montagnes. Et, plus délicat encore, à apaiser la folie des hommes.