Si le Hezbollah semble aujourd’hui réticent à participer au conflit entre Israël et le Hamas, cette guerre a récemment mis en lumière les activités du mouvement chiite dans une région du monde que l’on ne soupçonnait pas forcément, l’Amérique latine.
Après l’arrestation au Brésil de deux individus suspectés de préparer des attentats contre des synagogues, l’inquiétude a immédiatement fait craindre le pire avec cette question : le conflit du Proche-Orient peut-il se propager en Amérique du Sud ? Jusque-là, cette question a toujours relevé du fantasme, dans la mesure où historiquement cette partie du monde est l’une des plus épargnées par les actes terroristes. De plus, l’implication du Hezbollah n’a jamais été clairement prouvée dans les incidents du passé.
À Panama, en 1994, lorsqu’un attentat a été déjoué contre un avion civil, l’implication du Hezbollah a été suspectée mais non confirmée. Au Pérou en 2014, au Chili en 2020, en Colombie en 2021, des actes terroristes divers font plusieurs blessés. Là encore, le Hezbollah est suspecté, mais à aucun moment, les autorités des pays concernés ne sont parvenues à établir la culpabilité du mouvement chiite libanais. En 1992 et 1994, la communauté juive de Buenos Aires est frappée par deux attentats à la bombe qui font respectivement 29 et 85 morts, avec des centaines de blessés. Dans les deux cas, la justice argentine s’avère incapable, en dépit de longues enquêtes, d’inculper les responsables des attentats.
Plus de Libanais au Brésil qu’au Liban
Si l’action terroriste du Hezbollah en Amérique du Sud n’a jamais été prouvée, sa présence n’est un secret pour personne. Depuis plusieurs décennies, il est clairement avéré que le mouvement chiite libanais a établi sa base arrière en Amérique latine, en s’appuyant sur un important réseau humain en lien avec le Proche-Orient. Le Brésil compte en effet 7 à 10 millions d’expatriés libanais, ce qui en fait l’une des plus importantes diasporas au monde, et au Chili se trouve la plus grande communauté d’immigrés palestiniens. Mais les liens sont aussi politiques, le Hezbollah trouve en effet des régimes avec lesquels il partage des intérêts communs, comme avec le Venezuela de Maduro.
Sur cette base communautaire, le Hezbollah a développé d’autres activités. De nombreux rapports du département de justice américain, ainsi que des renseignements israéliens sont formels sur ce point : l’Amérique du Sud est au centre des activités de financements du Hezbollah. Deux zones ont été identifiées : la frontière Colombie-Venezuela et le secteur de la triple frontière entre le Paraguay, le Brésil et l’Argentine.
Activités, financements, recrutements
Cette zone est l’un des points névralgiques du trafic mondial de drogue, d’après le politologue Emanuele Ottolenghi, interrogé sur une chaîne de télévision argentine en ligne. C’est là, selon lui, que le Hezbollah s’assure une grande partie de ses revenus : « Il est à la tête d’une infrastructure très puissante, à travers laquelle plusieurs milliards d’euros sont blanchis chaque année. De cet argent, 10 à 15% tombent dans les caisses de la branche armée du Hezbollah pour financer ses actions terroristes. Donc c’est un réseau qui s’est renforcé depuis plusieurs décennies et qui est au cœur du financement des activités du Hezbollah au Moyen-Orient. »
Il n’y a donc pas ou peu d’actions avérées du Hezbollah libanais dans les pays sud-américains. Il n’y aurait pas vraiment d’intérêts, par contre une grande partie de ses ressources se trouvent là-bas. L’argent issu du blanchiment du trafic de drogue, les bases d’entraînement, de formation, mais également de recrutement, comme l’indiquent les procès-verbaux d’audition des suspects brésiliens récemment interpellés.