Pionnier du capital-risque israélien, Edouard Cukierman a financé quelques-unes des plus belles licornes israéliennes. Dans ce nouvel épisode de DeepTechs, le nouveau podcast de Challenges, il décrit les rouages de la start-up nation et la part importante qu’y tient le domaine militaire.
Cofondateur du fonds d’investissement Catalyst à Tel Aviv, en 1999, Edouard Cukierman et l’un des pionniers du capital-risque israélien. Il compte à son palmarès une vingtaine de licornes, essentiellement dans l’univers DeepTech, parmi lesquelles Mobileye, le spécialiste des technologies anticollision, vendu à Intel pour 23 milliards de dollars et aujourd’hui valorisé près de 30 milliards de dollars en bourse. Edouard Cukierman a accepté de venir au micro de DeepTechs, le podcast de Challenges, pour raconter l’écosystème israélien, quelques jours après l’attaque du 7 octobre 2023.
Il est intervenu dans une situation personnellement compliquée puisque deux de ses fils étaient engagés au front. « Israël a l’habitude des situations de crises, les entrepreneurs et les investisseurs savent réagir vite, les ajustements doivent être faits rapidement », scande-t-il. Et son témoignage est particulièrement précieux pour comprendre les rouages de la start-up nation, une machine redoutablement efficace, dont les pépites infusent aujourd’hui toute la tech mondiale.
Seuls trois petits fonds existaient en Israël lorsqu’il s’est lancé, à la fin du siècle dernier. Le pays en compte 380 aujourd’hui, qui ont contribué à l’émergence de quelque 90 licornes, essentiellement dans les secteurs DeepTech, dont Mobileye, ou la plateforme d’analyse de données Tabula. C’est plus que toute l’Europe réunie. Avec plus de 25 milliards de dollars investis en capital-risque en 2022, il se place au deuxième rang mondial de l’investissement VC.
Un triptyque efficace
Plusieurs facteurs expliquent cette réussite, à commencer par le triptyque efficace composé du militaire, de l’académique et du capital investissement. Les universités, très dynamiques, fournissent au pays ses bataillons de chercheurs entrepreneurs, notamment autour des pôles du Technion, à Haïfa, ou de l’Université hébraïque de Jérusalem. Le militaire possède également un poids important dans l’écosystème. Tout Israélien est tenu de servir au moins 3 ans sous les drapeaux. Beaucoup, notamment parmi les ingénieurs, choisissent de rejoindre les unités spécialisées dans la cyberguerre. Une fois libérés de leurs obligations militaires, ils sont encouragés à fonder leur start-up dans leur domaine de prédilection.
Le fort niveau d’éducation joue également en faveur du renforcement de la start-up nation qui compte le taux d’ingénieurs le plus élevé au monde, deux fois plus gros qu’aux Etats-Unis. Dans la dernière grande vague d’immigration, après la chute de l’empire soviétique près des deux tiers des immigrés sont venus avec un diplôme académique.
Une conquête planétaire
Autre facteur d’épanouissement de l’écosystème, la taille du marché israélien empêche les start-up de miser sur le seul marché intérieur. D’emblée, l’entrepreneur doit se projeter sur l’international et envisager la conquête planétaire, dopant la croissance de l’entreprise.
Revers de la médaille, les possibilités de sorties sont compliquées pour les investisseurs israéliens et l’une des voies privilégiées est celle de la vente à un grand groupe, le plus souvent américain. Sur ce point, la start-up nation israélienne ressemble encore beaucoup à la vieille Europe.