Les trois corps du Palestinien, par Kamel Daoud

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La chronique de Kamel Daoud. Comment le Palestinien de Gaza est aujourd’hui instrumentalisé par le monde dit « arabe ». Jusqu’à le préférer mort…

Le Problème à trois corps est le savoureux titre d’un roman de science-fiction du Chinois Liu Cixin. Mais dans le cas du Palestinien de Gaza, ces dernières semaines, cette formule s’associe à une tragédie et surtout un usage insoupçonnable de l’histoire-fiction dans les littératures médiatiques et religieuses du monde dit « arabe » en réaction à cette guerre. Voici donc une petite topographie du triple corps, à la fois ensanglanté et fantasmé. Car le Palestinien en possède trois. D’abord le corps soumis à une pratique animalière et barbare du bouclier humain par le Hamas. Une pratique qui plonge l’affrontement avec Israël dans l’impasse stratégique et l’immoralité pour les deux parties guerrières, puisque bombarder le Hamas équivaut à pilonner ce corps qui sert de cachette vivante à ce groupe. Israël, outre les colonies sauvages qui affaiblissent sa position internationale, se retrouve alors accusé de crime de guerre par les médias d’une partie du monde et de génocide par les propagandes du monde dit « arabe ». Et face à ce corps-bouclier, on plonge dans des questions auxquelles il est difficile de trouver des réponses « acceptables » : comment éliminer le Hamas sans tuer le Palestinien civil ? Comment bombarder sans effets collatéraux insupportables pour toute conscience, même « voyeuse » ? Comment répliquer à la menace permanente d’un autre 7 octobre sans devoir compter, en réponse, les victimes civiles à Gaza ? Ce corps utilisé comme gilet pare-balles par les siens est le premier corps malheureux du Palestinien. C’est le corps-bouclier, le corps-otage, le corps sans issue ni à Gaza, ni vers ni hors Gaza.

Kamel Daoud