Malgré plusieurs tags antisémites et quelques cas d’injures, la préfecture et le Crif Auvergne Rhône-Alpes ne constatent pour l’heure pas d’envolée du phénomène.
« C‘est la psychose qui est terrible, elle conduit les gens à se terrer chez eux et à imaginer beaucoup plus que ce qui se passe réellement. » Depuis l’attaque terroriste du Hamas en Israël le 9 octobre, le Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif) Auvergne Rhône-Alpes est assailli « tous les jours » de coups de fil de membres de la communauté juive qui ont « terriblement peur », selon son président Richard Zelmati : « C’est sans arrêt des appels : est-ce que je peux envoyer mes enfants à l’école ? Qu’est-ce qui va nous arriver ? Mais sincèrement, et pourvu que ça dure, en dehors de quelques faits ponctuels et des graffitis, aucun cas grave ne nous est remonté dans la région. »
Il appelle donc à « raison garder », car le constat s’appliquerait à tout le sud-est de la France : « Le ministère de l’Intérieur dit qu’il y a une pleine progression des faits antisémites, pour l’instant Lyon et Marseille sont épargnées », poursuit-il, estimant « qu’il y a un vivre-ensemble parfaitement assumé à Marseille, c’est le cas aussi à Lyon. On n’a pas de remontées de cas comme il peut y en avoir dans la région parisienne ».
Revenant d’Israël, il redoute cependant « ce qui va se passer si d’aventure Israël confirme son opération terrestre. Mais pour l’instant, honnêtement, tout est sous contrôle. La préfecture, les mairies, il y a une vraie vigilance : la manifestation propalestinienne de Lyon n’a pas donné lieu à de graves débordements, on a fait interdire un spectacle de Dieudonné, et on va pouvoir organiser une action symbolique avec 30 poussettes pour demander la libération des enfants otages du Hamas ».
« On porte plainte systématiquement sur les injures »
Plusieurs événements antisémites se sont pourtant bien produits dans la région lyonnaise ces deux dernières semaines. Dimanche 22 octobre, un adolescent de 16 ans qui portait une kippa a été insulté et menacé en se rendant à trottinette électrique dans une école juive de Villeurbanne. Il a porté plainte. « L’antisémitisme se libère, on n’a pas attendu ce contexte tendu pour s’en rendre compte », commente Richard Zelmati, pour qui cet incident reste isolé.
« On porte plainte systématiquement sur les injures, mais la plupart ne nous remontent pas forcément » nuance-t-il. Comme le rapporte Le Progrès, un rabbin de Villeurbanne a aussi fait l’objet d’un appel téléphonique mardi 17 octobre, d’un individu menaçant de « tout faire péter » dans sa synagogue. Et ce même jour, un quinquagénaire d’origine polonaise a été placé en garde à vue après avoir tenu des propos supposément antisémites, armé d’un couteau, au parc de la Tête d’or. Aucun témoin n’a cependant pu confirmer ses propos exacts, dans l’ensemble très incohérents. Ivre et agité, il a ensuite été hospitalisé pour examen.
Vendredi 20 octobre, des tags ont été découverts sur la synagogue de la Duchère et ont été rapidement effacés. L’inscription en arabe appelait à la solidarité avec les « frères et sœurs de Gaza ». Du côté de la préfecture, on reconnaît « un vrai sujet sur les tags la semaine après le 9 octobre, mais ça s’est tassé depuis ». En tout, une quinzaine de tags ont été remontés à la préfecture en octobre dans le département, dont des croix gammées ou quelques messages clairement antisémites, tels que « Hitler a mal fait son boulot », « À mort les juifs » ou « Juifs de merde ».
« Beaucoup de messages de solidarité à Gaza »
Mais le chiffre comprend aussi des messages de soutien à la Palestine, qui n’ont été remontés à la préfecture qu’en raison « du contexte ». La préfecture du Rhône comptabilise aussi trois faits d’injures sur la voie publique, ainsi que trois menaces de mort, dont l’alerte à la bombe au lycée Louis-Armand de Gleizé, près de Villefranche, qui a dû être évacué le 12 octobre. Le même jour, un autre fait suscite une attention particulière : vers 21 heures, trois balles à blanc ont été tirées depuis une voiture à Vaulx-en-Velin, à proximité de commerçants de confession juive. « Il y a une suspicion d’antisémitisme, mais ils n’avaient pas de signes clairs d’appartenance religieuse » explique la préfecture, pour qui « il ne faut pas négliger ces actes, qui doivent être condamnés, mais pour l’instant nous n’avons eu aucune remontée d’incidents plus graves ».
Le constat est le même à la mairie de Lyon, pour qui l’augmentation du nombre de tags date en réalité du mouvement contre la réforme des retraites : « Ces dernières semaines, on a constaté beaucoup de messages de solidarité à Gaza ou des “Palestine vaincra”. Comme tout ce qui dégrade le cadre de vie des Lyonnais, ces tags sont intolérables et nous avons pratiquement doublé les effectifs depuis le début de l’année pour les effacer le plus rapidement possible. » La mairie de Lyon consacre un budget de 1,4 million d’euros à ce sujet et annonce « 185 000 m2, soit 22 terrains de foot détagués depuis janvier ». Depuis l’annulation d’une conférence à l’hôtel de ville, en janvier, en présence de l’avocat franco-palestinien Salah Hamouri, la mairie de Lyon s’efforce de renouer avec les représentants de la communauté juive locale et de relancer le dialogue interreligieux, traditionnellement très actif dans l’agglomération lyonnaise.