Décès à 86 ans du journaliste Jean-Pierre Elkabbach

Abonnez-vous à la newsletter

Le célèbre journaliste politique et éditorialiste est mort à 86 ans. Pendant près de 50 ans de carrière, Jean-Pierre Elkabbach a marqué l’histoire de la radio et de la télévision.

Il a traversé les décennies en interviewant les politiques et les chefs d’Etat. Le journaliste Jean-Pierre Elkabbach, grande figure de la radio et de la télévision, vient de s’éteindre à l’âge de 86 ans, a-t-on appris ce mardi confirmant une information de Paris-Match.

Ce grand intervieweur politique avait traversé les générations, de ses débuts dans les années 1970, à son éviction de la matinale d’Europe 1 en 2016, après 35 ans d’antenne. À la rentrée 2019, il avait repris ses entretiens politiques sur CNews, dans une émission dominicale intitulée Sans détour.

Puis, en 2021, avec la reprise de la radio Europe 1 par le groupe Bolloré, aussi propriétaire de la seizième chaîne, il était en charge les grands entretiens matinaux du week-end, avant de se mettre en retrait à l’été 2022 pour se consacrer à l’écriture de ses mémoires « Les Rives de la mémoire ».

Jean-Pierre Elkabbach avait subi une intervention chirurgicale cet été et son état de santé s’était dégradé depuis, a-t-on appris de son entourage.

Vie à Oran et débuts à Paris

Haïm Jean-Pierre El Kabbach, dit Jean-Pierre Elkabbach, est né dans une famille juive d’Oran, et a un frère et une sœur plus jeunes que lui. Son père, Charles Elkabbach, négociant en import-export, est passionné de football et sera notamment vice-président de l’Olympique de Marseille, sa mère, Anne Sadok, est femme au foyer.

Son enfance est marquée par la mort de son père le , lors du Yom Kippour alors qu’il lisait une prière à la grande synagogue d’Oran. Depuis, il est devenu « juif laïc » et lui a fait la promesse de rendre son nom célèbre.

Après des études au lycée Lamoricière d’Oran, où il devient lauréat Zellidja, il décroche son baccalauréat et part pour Paris faire des études à l’Institut français de presse. Il étudie également à la faculté des lettres de l’université de Paris, et valide une première année d’études à l’Institut d’études politiques de Paris en 1959.

Au cours de ses vacances de l’été 1960 en Algérie, il entre à Radio Alger et, devant sa motivation, le rédacteur en chef le prend en stage. Journaliste à Oran, Alger et Constantine, il est arrêté, lors du putsch des généraux en 1961, par les militaires putschistes qui lui reprochent d’être un pied-noir traître à l’Algérie française. Il est alors nommé à Paris, où il travaille à l’ORTF, jusqu’en 1968

En mai 1968, il est mis au placard de ce qui faisait encore partie de l’ORTF et allait devenir France Inter, pour avoir fustigé les « censeurs », avant de passer à la télévision en 1970. Il y présente le journal de la Une puis de la Deux. En 1974, à l’occasion de l’éclatement de l’ORTF, il est à nouveau écarté du petit écran. Il revient alors sur France Inter où son émission, 13-14, est un succès.

« Taisez-vous Elkabbach! »

En janvier 1977, sa nomination à la tête de l’information d’Antenne 2 s’accompagne de plusieurs départs au sein de la rédaction. Il anime plusieurs émissions politiques, jusqu’en 1981, dont Cartes sur table, avec Alain Duhamel. C’est au cours de cette émission qu’a lieu la fameuse prise de bec avec Georges Marchais (en 1980), restée dans les annales, avec le fameux « Taisez-vous Elkabbach ».

Une phrase que le Premier secrétaire du Parti communiste n’a pas réellement prononcée, mais qui a été imaginée par l’humoriste Thierry Le Luron, caricaturant la séquence. L’échange est en revanche assez musclé. Le journaliste a fait de ce Taisez-vous Elkabbach, le titre de son autobiographie, publiée en 1992, avec son épouse l’écrivaine Nicole Avril.

À la suite de la victoire de François Mitterrand en 1981, Jean-Pierre Elkabbach est évincé de la chaîne publique en raison de ses attaches giscardiennes. « C’était une période où même ceux que j’avais aidés ou promus changeaient de trottoir quand ils me voyaient. J’étais atteint de mort sociale, je n’existais plus. J’ai connu l’ANPE », racontait-il en 2015.

L’année 1982 marque son arrivée sur Europe 1, où il devient directeur d’antenne puis l’année suivante directeur général adjoint. Toujours proche des cercles du pouvoir, accusé par certains de complaisance envers ses invités ou d’être donneur de leçons, « JPE » a longtemps été un pilier de la direction de Lagardère: protégé du fondateur Jean-Luc Lagardère, puis de son fils Arnaud, il est aussi très lié à Ramzi Khiroun, conseiller d’Arnaud et ex-conseiller de Dominique Strauss-Kahn.

Delarue, Arthur et Nagui

En 1991, il revient à la télé, au sein de l’éphémère chaîne La Cinq puis à France 3, où il anime l’émission Repères. En 1993, il devient PDG de France 2 et France 3, où il favorise l’ascension de nouveaux animateurs comme Jean-Luc Delarue, Arthur ou Nagui. Mais après la révélation des contrats de centaines de millions de francs attribués aux animateurs-producteurs stars de France 2, il est acculé à la démission en 1996.

En 1993, 12 ans après son éviction d’Antenne 2, il est celui qui recueille les confidences de François Mitterrand. Il en tire une série documentaire intitulée Conversations avec un président. 

Parfois taxé de connivence avec le pouvoir de droite (Valéry Giscard d’Estaing) et de gauche (François Mitterrand), il a été critiqué pour ses questions agressives et directes ou au contraire trop complaisantes – comme face à Nicolas Sarkozy en 2014. Au cours de sa longue carrière, il a interviewé les plus grands chefs d’État, de Arafat à Gorbatchev en passant par Mandela, Fidel Castro, Bill Clinton, George Bush, ou Vladimir Poutine.

Jean-Pierre Elkabbach préside la chaîne Public Sénat depuis sa création en 2000 jusqu’en 2009, où il lance l’émission Bibliothèque Médicis qu’il a conservée. Lorsqu’il prend les rênes d’Europe 1 en avril 2005, la station est en petite forme, en cinquième position, derrière RTL, NRJ, France Inter et France Info.

Magali Rangin