Présenté mardi comme un simple père de famille sur le plateau de « TPMP ! », Hmida Boutghata est un activiste religieux qui partage sur Facebook des contenus complotistes et antisémites.
Il recherchait la lumière, il l’a trouvée. Le jour de la rentrée, Hmida Boutghata, parent d’élève, est venu défendre dans l’émission de Cyril Hanouna le droit de sa fille à porter une abaya à l’école. Assise à ses côtés, celle-ci, 16 ans, vêtue d’une abaya colorée, s’est essentiellement contentée d’approuver les propos de son père, affirmant que ce vêtement n’était pas religieux… Pourtant, tout démontre que Hmida Boutghata est un activiste religieux obsédé par son identité religieuse et l’affirmation de sa foi.
Il a fallu très peu de temps pour que les Strasbourgeois réagissent. Hmida Boutghata, en effet, est assez connu dans la métropole alsacienne, et plus particulièrement dans le quartier Elsau. Ce père de famille est un des piliers de l’association Citoyens de l’Elsau (Ciel), qui gère la mosquée du secteur, rue de l’Unterelsau. Le 12 octobre 2021, celle-ci a été perquisitionnée, les pouvoirs publics nourrissant des soupçons de séparatisme à son égard. Perquisition saluée par la maire EELV de Strasbourg, Jeanne Barseghian, au nom de la « lutte contre la radicalisation », mais qui n’a pas réuni suffisamment d’éléments pour justifier une fermeture.
Soupçon récurrent de communautarisme
Repéré d’abord par le compte X (ex-Twitter) de Gaston Crémieux, Hmida Boutghata, né en 1984, apparaît pendant deux ans (2016-2018) comme administrateur du bailleur social de la communauté urbaine de Strasbourg, CUS-Habitat. Il s’est fait élire sur la liste de l’association des locataires indépendants de Strasbourg (Alis). Des tensions sont vite apparues. En avril 2015, dans Les Dernières Nouvelles d’Alsace, le président de l’Office public de l’habitat, Philippe Bies, accusait l’Alis de communautarisme, soulignant la non-mixité de sa liste, exclusivement masculine. Hmida Boutghata n’a pas été réélu aux élections suivantes.
Donc #TPMP invite l’islamiste Hmida Boutghata, membre l’assos «Ciel», qui gère la Mosquée de l’Elsau à Strasbourg (fermée en 2021 pour radicalisation).
En 2022, il a apporté son soutien à l’imam #Iquioussen, islamiste proche des Frères Musulmans, expulsé France. 👇 https://t.co/PGz6zuE3oh pic.twitter.com/xbqaw5CwIx
— Valerian Halsbury (@V_Halsbury) September 4, 2023
Adjoint PS au maire de Strasbourg de 2008 à 2016, puis député en 2016 et 2017, Éric Elkouby a eu maille à partir, lui aussi, avec Hmida Boutghata. En octobre 2021, après la perquisition à la mosquée de l’Elsau, l’élu a qualifié le militant d’antisémite. Dans un texte mis en ligne, il lui reprochait sa participation à une manifestation place Kléber, à Strasbourg, où le drapeau israélien avait été brûlé et où plusieurs témoins avaient entendu crier « mort aux juifs ». Éric Elkouby assurait par ailleurs qu’il avait été séquestré le 31 décembre 2008, menacé de mort et ciblé par des injures antisémites, proférées par des membres de l’association Ciel, emmenés par Hmida Boutghata. Ce dernier a attaqué Éric Elkouby en diffamation. Il a été débouté par le tribunal correctionnel de Colmar le 11 janvier 2023. Il n’a pas fait appel.
Haine des juifs et théorie du complot
Il y a une dizaine d’années encore, Hmida Boutghata publiait du contenu sur un compte Facebook aujourd’hui inactif, que Le Point a consulté (et qui a été effacé juste après notre message, resté sans réponse). Ce compte témoigne d’un antisémitisme décomplexé. Hmida Boutghada y republiait notamment le 22 décembre 2009 une vidéo hébergée par Dailymotion, alors intitulée « Haïr les Juifs est un devoir religieux ». La vidéo, supprimée depuis, est toujours disponible sur YouTube sous un autre titre. Dans cette séquence surréaliste, deux cheikhs égyptiens vitupèrent contre les juifs, plaçant la haine envers eux au cœur de leurs croyances et de leur devoir religieux.
Hmida Boutghata relaie aussi sur cet ancien compte Facebook un article du site alterinfo, « Mohammed Merah, vrai terroriste ou idiot utile victime d’un complot étatique ? ». Dans cet article, l’assassinat en 2012 de trois militaires, d’un enseignant et de trois enfants d’une école juive de Toulouse devient une affaire « sibylline et plus que suspecte qui au final ne sert que la cause sioniste ». Ce compte Facebook en sommeil témoigne par ailleurs d’accointances nettes avec la mouvance frériste. Hmida Boutghata y apparaît comme ami avec la mosquée de Raismes (où officiait Hassan Iquioussen), avec Tariq Ramadan, etc. En comparaison, son compte Facebook actuel est très sobre, se bornant à afficher quelques drapeaux palestiniens.
L’autre pilier de l’association Ciel se nomme Jamal Rouchdi, président fondateur d’un micro-parti politique communautaire, Égalité républicaine et sociale (ERS). « Lui et Boutghata sont à prendre au sérieux, analyse un observateur strasbourgeois. Plusieurs jeunes de chez nous sont partis en Syrie. Il y a un tissu local de radicalisation. » Peut-on au moins reconnaître à Hmida Boutghata le droit de critiquer une décision de l’État, comme tout citoyen ? Selon l’ancien député Éric Elkouby, cela se discute, pour la simple raison que « monsieur Boutghata, à [s]a connaissance, n’a pas la nationalité française. [Il s’]étonne donc un peu de l’entendre donner son avis sur l’Éducation nationale chez Cyril Hanouna ». Nous n’avons, alors que nous publions cet article, toujours pas réussi à joindre l’animateur.