A Jérusalem, l’hôtel American Colony est un établissement mythique, tant par sa clientèle prestigieuse que par les négociations de paix secrètes qu’il a abritées. Il est dirigé par un Suisse, comme le veut la tradition.
Le prestigieux American Colony se situe à quelques centaines de mètres de la vieille ville de Jérusalem. C’est un palace oriental, avec des plafonds voûtés, des couloirs alambiqués, une piscine et un patio ombragé.
« Il a une âme », considère un client de l’hôtel. « Les bâtiments n’ont pas toujours une âme, mais celui-ci, oui », ajoute-t-il au micro du 19h30. « L’ancienne partie de l’hôtel appartenait autrefois à un pacha ottoman », relève pour sa part le directeur Guy Lindt, un Bernois francophone.
Par tradition depuis 1980, les propriétaires de l’hôtel en confient systématiquement la direction à un Suisse. Formé à Genève et à l’Ecole hôtelière de Lausanne, Guy Lindt gère ainsi l’établissement depuis bientôt cinq ans.
Les négociations des accords d’Oslo
Situé à la frontière des quartiers juifs et arabes, l’American Colony a accueilli dans ses chambres somptueuses des négociations secrètes au plus haut niveau.
« C’est dans la chambre numéro 16 qu’ont été négociés les accords d’Oslo (résultat en 1993 d’un ensemble de discussions menées en secret entre des négociateurs israéliens et palestiniens pour poser les premiers jalons d’une résolution du conflit israélo-palestinien, ndlr) », indique le directeur.
« A l’American Colony, tout le monde acceptait de se rencontrer. Plutôt que d’aller dans un hôtel à Jérusalem-Ouest (en territoire israélien, ndlr), ils préféraient venir ici. Et c’est toujours le cas aujourd’hui », précise-t-il.
Un quartier sous tension
De Winston Churchill à Bob Dylan en passant par Richard Gere, d’innombrables célébrités ont en outre séjourné à l’American Colony. L’hôtel doit son nom à la communauté de chrétiens messianistes américains venus s’installer là à la fin du XIXème siècle, afin de trouver la paix dans la ville sainte de Jérusalem et d’offrir de l’aide aux familles en détresse.
« Ca a été un hospice, un orphelinat. J’ai l’impression de faire partie de l’Histoire », témoigne Guy Lindt. L’hôtel a aussi été le lieu d’où le drapeau blanc, provenant d’un drap de lit d’un des hôpitaux de la colonie, objet actuellement exposé à l’Imperial War Museum de Londres, a été levé pour initier la trêve qui a mis fin à la domination ottomane sur Jérusalem.
Ironie de l’Histoire, le quartier de Sheikh Jarrah où se situe l’hôtel se retrouve aujourd’hui au cœur d’une bataille juridique opposant Palestiniens et colons juifs. Ces derniers cherchent à accaparer les maisons des premiers, sur fond d’occupation israélienne.
Et au milieu des tensions, l’American Colony s’attache, lui, à conserver une bulle d’harmonie et de bien-être au cœur d’une ville tourmentée.
Sujet TV: Stéphane Amar