Un mémorial à la scénographie dépouillée a officiellement été inauguré ce mardi dans l’ancienne gare de Bobigny, en Seine-Saint-Denis. Près de 22 500 hommes, femmes et enfants sont partis de ce lieu vers les camps de la mort nazis. Restauré, il est ouvert au public depuis janvier dernier.
Un premier convoi de déportés juifs en partit il y a exactement quatre-vingts ans, le 18 juillet 1943. Ils seront plus de 20 000, hommes, femmes et enfants. De l’été 1943 à l’été 1944, cette gare créée initialement pour les voyageurs et les marchandises devint ainsi le principal lieu de la déportation des juifs français.
Le mémorial de cet ancien site de déportation quasi intact a officiellement été inauguré cet après-midi, en présence de certains des derniers rescapés français des camps de concentration, dont Ginette Kolinka, 98 ans. Cette transformation historique avait été décidée en 2011, la SNCF ayant cédé à l’euro symbolique une partie de la parcelle, après avoir reconnu son rôle dans la Shoah.
« La seule gare de déportation vraiment restée dans sa structure d’origine »
L’ancienne halle des voyageurs – que n’ont pas empruntée les déportés – est intacte, comme la halle des marchandises et ses pavés d’origine à perte de vue. Ils longent la vieille voie ferrée rouillée. « Nous sommes la seule gare de déportation qui soit vraiment restée dans sa structure d’origine. Et nous le devons paradoxalement à l’occupation d’un ferrailleur qui a recouvert le site de ferraille pendant des années. Il a suffi de débarrasser le site de sa ferraille, de le dépolluer et nous avons vraiment retrouvé le site dans toute son authenticité.« , explique Adèle Purlich, la directrice du mémorial de l’ancienne gare de déportation de Bobigny.
En 1942, les trains de déportés s’élançaient initialement de la gare du Bourget-Drancy. Mais cette dernière voyant aussi passer des voyageurs, les Allemands ont préféré un site plus discret, à l’abri des regards, à Bobigny. Les déportés arrivaient en bus de Drancy et ils étaient directement débarqués devant les wagons à bestiaux qui les attendaient sur le quai. Avant en moyenne 53 heures de train de l’horreur jusqu’à la mort à Auschwitz.
Shoah : un mémorial officiellement inauguré à Bobigny dans l’ancienne gare de déportation.
Un premier convoi en partit il y a tout juste 80 ans. Ce fut le point de départ vers la mort dans les camps nazis pour près de 22 500 hommes, femmes et enfants.https://t.co/Wo4xvkmma1 pic.twitter.com/dJfiY6GfHC— Rédaction de France Culture (@FC_actu) July 18, 2023
La visite et le mémorial
Le site se visite librement, transformé en un mémorial inauguré le 18 janvier, avant la cérémonie officielle de ce mardi. Un parcours historique et mémoriel plonge les visiteurs dans les pas des déportés grâce à une scénographie dépouillée imaginée par l’historien et directeur du musée de la Résistance Nationale, Thomas Fontaine. Avec pour finir des stèles en acier rouillé qui représentent l’ensemble des convois de la déportation juive partis depuis toute la France.
Ce qui frappe, c’est un vide, de 3 hectares et demie. « Nous avons choisi que cette scénographie respecte ce vide parce que aujourd’hui le vide évoque l’absence de tous ces déportés qui pour la plupart n’ont pas pu revenir » précise Adèle Purlich.
L’année 1942 représente « le basculement d’une politique d’exclusion raciale à une politique génocidaire et la gare de #Pithiviers témoigne de tout cela », explique Jacques Fredj, directeur du Mémorial de la Shoah.
Reportage sur ce nouveau lieu de mémoirehttps://t.co/Y63McqQnJF pic.twitter.com/8jJZYzlXOu— Rédaction de France Culture (@FC_actu) August 3, 2022
Un vide qui a inspiré l’ensemble de musique incidentale dirigé par Hélios Azoulay qui a accompagné le silence ce mardi après-midi pour l’inauguration du mémorial, en interprétant des airs composés dans des camps ou encore une Marseillaise, composée pour l’occasion.
« Ce qui est impressionnant, c’est la surface de silence de ce site, puisque nous marchons sur des pavés qui ont été foulés par des dizaines de milliers de juifs déportés à partir d’ici. Et je crois que c’est la première chose qui bouleverse. C’est aussi vide qu’habité« , confie-t-il.
Par Olivier Vogel, Éric Chaverou