Le musée Roald Dahl, en Angleterre, s’« excuse pour les commentaires antisémites » de ce dernier, après ceux de la famille. L’auteur britannique, né au Pays de Galles, publie son premier livre pour enfants en 1943, The Gremlins, suivi de James and the Giant Peach en 1961, Charlie and the Chocolate Factory en 1964 et Fantastic Mr Fox en 1970.
Plusieurs des oeuvres de Roald Dahl ont été adaptées : Matilda en 1996, Charlie et la chocolaterie en 2005, Le Bon Gros Géant (BGG) en 2016, ou encore Sacrées sorcières en 2020. Et l’engouement continue : le 13 décembre prochain, une nouvelle adaptation du premier – renommée Wonka -, réalisé par Paul King sortira en salle. Timothée Chalamet incarnera le jeune Willy Wonka.
Un succès et des excuses étaient nécessaires. En 2020, les héritiers évoquaient les propos antisémites de leur ascendant : « La famille Dahl et la Roald Dahl Story Company s’excusent profondément pour la blessure durable et compréhensible causée par les déclarations antisémites de Roald Dahl. Ces remarques préconçues sont incompréhensibles pour nous et contrastent fortement avec l’homme que nous avons connu et avec les valeurs au cœur des histoires de Roald Dahl, qui ont un impact positif sur les jeunes depuis des générations. Nous espérons que, tout comme il l’a fait à son meilleur, à son pire absolu, Roald Dahl pourra nous aider à nous rappeler l’impact durable des mots. »
Cette année, alors que les ouvrages de l’auteur s’apprêtent à être réédités en version originale dans la Roald Dahl Classic Collection , c’est au tour du Roald Dahl Museum and Story Centre de prendre la parole sur un héritage bien lourd.
Dans un communiqué, l’établissement « condamne tout racisme, y compris l’antisémitisme, dirigé contre tout groupe ou individu ». « Le racisme de Roald Dahl est indéniable et indélébile, mais ce que nous espérons voir perdurer, c’est le potentiel de l’héritage créatif de Dahl à faire du bien », écrit le musée.
En outre, « depuis 2021, nous avons pris contact avec plusieurs organisations de la communauté juive. (…) Ce processus comprend une formation de notre équipe et de nos administrateurs, dispensée par l’Antisemitism Policy Trust » afin de développer des ressources pour les écoles, écrit le musée.
« Nous voulons continuer d’écouter et de discuter afin d’explorer comment notre organisation pourrait contribuer davantage à la lutte contre la haine et les préjugés, en soutenant le travail des experts qui travaillent déjà dans ce domaine, y compris ceux de la communauté juive », précise encore le musée.
Réadapter les oeuvres
Dès la fin des années 1960, l’auteur avait procédé à une réécriture de son roman Charlie et la Chocolaterie en raison de l’assimilation des Oompa Loompas à des esclaves originaires « des plus profondes jungles africaines ».
Malgré les modifications, la Roald Dahl Story Company avait annoncé en 2020, avec les éditions Puffin, rééditer le texte en apportant des modifications. L’agence spécialisée « Inclusive » Mindsune s’est chargée de la réécriture, afin de déceler des représentations problématiques ou erronées.
D’après Alexandra Strick, cofondatrice de l’agence, la mission principale visait « à garantir une représentation authentique, en travaillant de manière conjointe avec le secteur du livre et ceux qui ont fait l’expérience de tous les aspects de la diversité ». Ainsi, par rapport aux éditions précédentes, les textes ont parfois été raccourcies, ainsi que certains éléments liés au poids, au genre, à la violence, à l’ethnie, aux caractéristiques physiques ou mentales ont été supprimés ou reformulés.
Rééditer les originaux pour tempérer les critiques
Ces nouvelles versions ont très rapidement été brocardées : de nombreuses voix s’étaient élevées contre les modifications des textes, dont l’organisation PEN America, ou Salman Rushdie sur Twitter, qui évoquait une « censure idiote ».
En outre, plusieurs éditeurs et éditrices étrangers avaient critiqué cette action, bien que cela ne les oblige pas à en faire de même pour les oeuvres traduites vendues. Les textes de Roald Dahl sont en effet toujours couverts par le copyright, ce qui garantit des droits de propriété intellectuelle sur les œuvres aux éditeurs concernés, mais aussi aux ayants droit.
Hedwige Pasquet, présidente de Gallimard Jeunesse en France, dont la filiale Folio Junior édite les traductions des ouvrages de Roald Dahl, s’était dite résolument contre ces adaptations : « S’il y avait quelque chose à faire, ce serait de contextualiser les textes, c’est-à-dire, les restituer dans l’époque à laquelle ils ont été écrits. »
En outre, le directeur de la maison De Fontein, Joris van de Leur confirmait la présence de stéréotypes et d’exagérations dans les textes, mais soulignait que « l’effet comique réside dans [ces derniers]. Les jeunes lecteurs les reconnaissent, et cela les pousse à réfléchir au bien et au mal. »
Pour apaiser les esprits, la maison d’édition Puffin avait donc choisi de donner le choix aux lecteurs sur la version qu’ils préfèrent.