Hélène Benatar, l’avocate marocaine qui a sauvé des milliers de juifs du nazisme

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Hélène Cazès-Benatar est connue pour avoir été la première femme avocate au Maroc. Elle a par ailleurs aidé à sauver des milliers de juifs du nazisme, pendant la Seconde guerre mondiale (1939 – 1945), faisant du royaume un refuge sûr pour les familles fuyant l’Europe.

Dans les années 1930 et 1940, les juifs d’Europe ont été ciblés par le parti nazi allemand dirigé par Adolf Hitler. Après que le nazisme a pris le dessus en France pendant la Seconde guerre mondiale, à partir en 1940, le gouvernement de Vichy a promulgué une série de lois anti-juives. A la même époque, le Maroc a été sous le Protectorat français, mais le sultan Mohammed Ben Youssef a rejeté les mesures du gouvernement de Vichy prévoyant de livrer les juifs du pays ou de les persécuter, ce qui a fait du royaume une destination pour les familles fuyant l’Europe.

A la lumière de la volonté du sultan de traiter tous les Marocains de la même manière, quelle que soit leur religion, l’avocate et militante marocaine de confession juive et Hélène Cazès-Benatar a trouvé un environnement approprié pour aider les juifs à fuir l’enfer des camps nazis. Native de Tanger en 1898, elle s’installe avec sa famille à Casablanca en 1917 et devient l’une des premières femmes marocaines à obtenir un baccalauréat.

A l’âge de vingt-deux ans, Hélène épouse Moussa Benatar, un homme d’affaires et activiste bien connu. Elle a fait ses études en droit à l’Université de Bordeaux, en France, devenant ainsi la première femme avocate au Maroc. Après la mort de son mari en 1939, elle décide d’allier son activité d’avocate à l’action au sein de la société civile pour défendre les membres de sa religion. Elle compte parmi les fondatrices de la Women’s International Zionist Casablanca Organization (WIZO) et devient sa présidente.

Permettre un refuge aux familles juives fuyant le nazisme

Au lendemain de la défaite de la France et de la victoire du nazisme en 1940, Hélène intensifie ses actions pour aider les juifs. Elle s’occupe notamment de «chaque détail et s’assure que les réfugiés ont tout ce dont ils ont besoin en termes de nourriture, de vêtements, de soins médicaux et de trouver du travail, en plus d’un endroit où vivre». C’est ainsi qu’elle a converti une salle à Casablanca en un abri pour les familles, tout en mobilisant aussi des amis et des membres de la communauté pour les accueillir.

Me Benatar a rejoint une formation secrète anti-Vichy, formé au Maroc en juillet 1940. Au mépris de la police de Vichy, les membres de cette organisation, connue sous le nom de Groupe Mengin, ont distribué des tracts pro-alliés et envoyé des renseignements sur le mouvement des navires dans le détroit de Gibraltar. L’administration du Protectorat français a perquisitionné le bureau de l’avocate à plusieurs reprises, mais aucune preuve n’a été trouvée.

En juillet 1942, le groupe Mengin est trahi. Certains de ses membres sont arrêtés et torturés. Benatar est interpellée également, mais elle réussit à s’évader de prison grâce à son vaste réseau de connaissances. Depuis, elle a travaillé à la création d’une institution et d’un mécanisme financier pour soutenir la mission de sauvetage.

Il revient aussi à Me Benatar d’avoir fondé un comité pour aider les réfugiés et de l’avoir dirigé avec une grande compétence, selon les récits historiques. Le comité a longtemps agi comme une organisation caritative s’occupant de tout ce qui concernait les déplacés. Il s’est également efforcé de libérer les détenus des camps de travaux forcés du Sahara, à la frontière maroco-algérienne, où les réfugiés autorisés à entrer au Maroc ont été emprisonnés dans des conditions difficiles.

Faire fuir les familles du nazisme à tout prix

L’instance a par ailleurs œuvré également pour obtenir des permis d’immigration aux Etats-Unis ou en Amérique du Sud pour les réfugiés. Il lui revient notamment d’avoir fait passer clandestinement ceux qui pouvaient fuir en Martinique, pour empêcher leur transfert vers les camps de concentration. Pour ceux restant au Maroc, l’avocate a travaillé à leur intégration professionnelle pour empêcher leur expulsion. En tout, elle aurait évité la persécution nazie à plus de 60 000 juifs.

Plus tard, Me Benatar a contribué au départ des juifs du Maroc vers Israël. Elle a également été active dans le départ des juifs de Syrie et du Liban. En 1943 à Marrakech, elle a notamment rencontré le président américain Franklin D. Roosevelt, qui lui a .exprimé son appréciation pour son travail pour sauver les autres. En 1953, elle s’est rendue aux Etats-Unis pour une tournée de trois mois, donnant plusieurs conférences et collectant des dons pour Israël.

En 1954, Me Benatar a repris son travail d’avocate à Casablanca, avant de décider de s’installer en France en 1962. Elle a participé à la création de l’Association des juifs marocains à Paris et en a occuée le poste de présidente. En décembre 1967, elle s’est rendue en Israël pour la première et dernière fois de son vivant. Hélène Cazès-Benatar est décédée le 7 juillet 1979 à l’âge de 80 ans, dans son domicile à Paris. Son nom est resté peu connu parmi ceux ayant porté leur aide aux juifs visés par le nazisme.

Source yabiladi