Le chanteur Henri Tibi, star posthume en Tunisie après la sortie d’un film

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Dix ans après sa mort, le chanteur de rue le plus emblématique de Besançon fait l’objet d’un film retraçant sa vie hors normes. Sa récente sortie dans les salles de cinéma de Tunisie, son pays natal, rencontre un succès inattendu. L’artiste oublié est en passe de devenir un symbole national.

Sa voix grave et mélodieuse, sa longue barbe blanche et son panneau cartonné « À chacun sa traversée du désert » faisaient partie du paysage de la Boucle. Posté devant son porche de la Grande rue, Robert Henri Tibismuth – connu sous le nom de Tibi – aura marqué les esprits de toute une génération de Bisontins, en reprenant à longueur de journée les airs de Brassens ou Ferré qu’il agrémentait de ses propres compositions.

Cette douce mélopée s’est stoppée nette en 2013. L’emblématique chanteur de rue s’est éteint des suites d’un accident de voiture, emportant avec lui les secrets et turpitudes d’une existence chaotique, bercée de lumière et d’ombres. Mais il était écrit qu’Henri Tibi n’était pas voué à l’oubli.

Symbole tunisien du vivre-ensemble

Yassine Redissi, jeune journaliste et réalisateur tunisien, a offert à son compatriote une seconde vie, en lui consacrant un film-documentaire intitulé « Je reviendrai là-bas ». L’œuvre a déjà obtenu un prix au festival du Caire. Sa sortie dans les salles obscures de Tunisie, le 22 février dernier, est un succès populaire.

« Le film est conçu comme un album de musique, avec neuf morceaux qui retracent sa jeunesse, son exil forcé, ses années difficiles à Paris et son arrivée à Besançon… Cette ville a mis du baume au cœur à cet artiste incompris », présente Yassine Redissi.

Symbole tunisien du vivre-ensemble

Enfant de la Goulette, cette ville balnéaire symbole de la coexistence entre musulmans, juifs et chrétiens de Tunisie, Henri Tibi fut un chanteur à la mode dans les années 50, avant de disparaître des radars durant plus d’un demi-siècle…

En 2011, au lendemain des printemps arabes, la Tunisie se rappelle une première fois à son bon souvenir, à travers une vidéo Youtube tournée à Besançon. Un petit buzz national. « On a tous été émus de voir ce vieux monsieur barbu, qui chantait dans la rue ce qu’était la Tunisie d’autrefois », explique Yassine Redissi.

« On a réalisé un vrai travail d’archéologie »

Dans l’esprit du jeune journaliste, une graine est semée : « Henri Tibi a eu une vie incroyable. Il a aussi été champion de tennis de table, photographe. Son histoire, c’est celle du vivre-ensemble, de l’amitié, du temps qui passe… J’ai commencé une enquête filmée il y a sept ans avec peu de moyens, mais beaucoup de cœur ». Une aventure humaine qui l’amènera deux fois dans le Doubs, en 2016 pour des repérages, puis en 2020 pour le tournage.

« Avec l’accord de sa famille, on est retourné dans sa maison abandonnée à Avilley. Cartons, lettres, vidéos, photos, il y a tout laissé, comme si tout nous attendait… On a réalisé un vrai travail d’archéologie pour redonner vie à ce patrimoine ».

Des projections espérées à Besançon avant l’été

Le film de Yassine Redissi « répare une injustice », estime-t-il. Celle d’une romance gâchée entre Henri Tibi et son pays natal, « qu’il a toujours tant aimé et tant chanté » malgré l’exil et l’oubli : « En Tunisie, le film est en train de devenir un phénomène. Les séances font salles combles. Alors qu’on vit une montée du racisme, un repli identitaire, notre film arrive à contre-courant comme un refuge, car on y parle d’inclusion et de vivre ensemble. »

Des projections sont prévues à Paris fin mars. « On espère aussi venir présenter le film à Besançon avant l’été », annonce Yassine Redissi. La promesse est là.

Vous pouvez rendre hommage au défunt sur sa page commémorative sur le site Libra Memoria et présenter vos condoléances à ses proches en témoignant votre sympathie.

Source estrepublicain