Gilead Sher : « Nous passons de la manifestation au combat démocratique »

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Ancien négociateur en chef du processus de Paix avec les Palestiniens, l’avocat Gilead Sher est très mobilisé dans la contestation du nouveau gouvernement israélien. Gouvernement qui envisage notamment de réformer le système judiciaire, clé de voûte de l’État de droit depuis 1948.

Ce samedi, pour le troisième week-end consécutif, des dizaines de milliers de personnes ont manifesté contre le gouvernement de Benyamin Netanyahou, le plus à droite de l’Histoire du pays, investi le 29 décembre dernier. Une contestation massive avant tout à Tel Aviv, environ 40 000 personnes, mais aussi à Haïfa, Beersheva, Haïfa, Rehovot et Modi’in, ainsi qu’à Jérusalem devant la maison du président. Pour « défendre la démocratie », dans un contexte sécuritaire particulièrement tendu après deux attaques palestiniennes à Jérusalem-Est, dont l’une, vendredi, a fait sept morts près d’une synagogue. Les manifestants ont d’ailleurs rendu hommage à ces victimes.

Un comité pour la défense de la Démocratie a été mis sur pied réunissant plusieurs associations et personnalités de la société civile. On y trouve notamment l’avocat Gilead Sher, chef de cabinet du Premier ministre Ehud Barak (1999-2002) et chef de file des négociateurs israéliens avec les Palestiniens à cette époque. Nous l’avons rencontré dans ses bureaux de Tel Aviv, avant le regain de tension de cette fin de semaine.

Qui sont les gens mobilisés contre le gouvernement israélien ?

Il y a vraiment une formidable opposition dans l’ensemble du pays face à cette tentative d’émasculer la Cour suprême, d’affaiblir le système judiciaire et de porter atteinte aux fondements de la Démocratie, aux droits de l’Homme et aux libertés. Un grand nombre de mouvements, d’organisations, de groupes et de différents secteurs luttent ainsi contre la corruption de la gouvernance, contre le racisme, contre les entraves à la liberté d’expression et le fascisme. Parmi eux, on trouve des professions libérales, des organisations pour la défense des droits individuels et collectifs, des retraités des services gouvernementaux et de Sécurité tels que des pilotes, des parachutistes, des membres des unités spéciales, des officiers de marine, des tankistes, etc. On trouve aussi pas mal de personnel issu du secteur des affaires, des étudiants, des universités, des juristes, des juges retraités et des anciens procureurs. Tous se mobilisent avec des milliers de citoyens ordinaires qui combattent pour le caractère démocratique de l’État d’Israël. Il s’agit de l’État du peuple juif avec ses citoyens juifs et arabes, chrétiens et musulmans, druzes et circassiens, des hommes et des femmes à tous âges.

À vous entendre, il semble que le gouvernement actuel est en train de s’attaquer à ce qu’Israël a de plus précieux. Il suffit de reprendre la liste des professions que vous venez de citer : le système judiciaire, l’armée. On peut y ajouter les droits LGBT, voire la loi du retour. S’agit-il d’une attaque généralisée ?

Malheureusement, oui. La réforme législative imposée par le nouveau gouvernement tend à soumettre le judiciaire – à commencer bien sûr par la Cour suprême – à la majorité parlementaire. Elle veut procéder à la nomination de fonctionnaires selon des critères d’attaches politiques et personnelles. Ils veulent aussi adopter des lois rétroactives pour disculper les ministres qui n’auront pas dû être nommés. Donc oui, c’est une attaque générale contre tout ce que nous croyons être l’État d’Israël et la vie dans cet État.

Mais ce gouvernement a été élu. Il a une majorité au Parlement, il est légal et légitime puisque l’élection s’est bien passée ?

En effet, ce gouvernement a été démocratiquement élu. Je ne conteste pas le résultat, mais dès sa formation, il a agi illégitimement pour annihiler la séparation des pouvoirs et pour approuver des marques de servilité personnelle et publique. Il porte atteinte aux fondations constitutionnelles de la déclaration d’indépendance sur lesquelles l’État a été établi. Il œuvre pour limiter les libertés individuelles et la liberté d’expression et discrimine à l’extrême les minorités ethniques et religieuses.

Nous passons en ce moment de la manifestation au combat démocratique contre tout ce qui se passe ces derniers jours. Nous ne nous sommes pas battus par le passé pour que notre État se disloque aux mains d’un groupe animé par la méchanceté, l’imbécillité, le mensonge et la corruption.

Ce gouvernement allie la droite, l’extrême droite sioniste-religieuse et les ultra-orthodoxes. Mais où est passé la gauche ? Le parti travailliste de Ben Gourion, Golda Meir, Yitzhak Rabin, Shimon Peres et Ehud Barak qui avait fondé Israël en 1948 n’a plus que quatre députés sur 120 !

Malheureusement, le résultat des élections marque un net glissement à droite. La gauche israélienne classique que nous avons connue n’existe pratiquement plus. Elle doit faire place à une grande formation de gauche et centriste qui sera garante de la démocratie et gardienne de la séparation des pouvoirs. Nous n’en sommes pas encore là.

La gauche a quasiment disparu. Tout comme le processus de Paix avec les Palestiniens auquel vous avez participé à partir des accords d’Oslo. Aujourd’hui, il n’y a ni Paix, ni processus ?

Vous avez tout à fait raison. Mais dans le futur, la solution à deux États-Nations pour deux peuples est la seule qui pourra maintenir le projet sioniste c’est-à-dire un État démocratique qui soit l’État du peuple juif. Et c’est aussi la seule solution qui permettra aux Palestiniens d’accéder à la souveraineté, l’indépendance et l’autodétermination.

Pensez-vous possible d’arrêter ce qui a été initié par le gouvernement actuel de Benyamin Netanyahou ?

Ma réponse à cette question sera la formule répétée chaque année par les chefs des services de renseignement de l’Armée, en conclusion de leur rapport annuel au gouvernement : « Puissent se réaliser nos espoirs et non nos estimations ».

Par Frédéric Métézeau

1 Comment

  1. Moi,a sa place je me ferais tout petit! Il n’a pas,vu le résultat été fort brillant comme négociateur de paix avec ceux qui de nos jours et seulement depuis peu se font appeler « Palestinians ». Maintenant il vient encore nous enquiquiner avec sa révolution, en fait subversion. La démocratie c’est très bien mais a condition que tout le monde la respecte et n’essayent pas de la contourner quand quelque chose ne leur convient pas. Ma question a ce Monsieur est: croit il vraiment que le processus d’Oslo ait été conforme a la démocratie aissi que le désastreux retrait unilateral de Gaza? Les grands démocrates (et petit dictateurs)de la court suprême ont été complice dans cette frauduleuse machination et experimentation politique illégale.

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