Le maire de Pantin a décidé d’ajouter un « e » au nom de sa ville en gage de féminisme. Anecdotique ou révélateur d’une confusion mentale ?
Est-ce que ce monde est sérieux ? » interroge une célèbre chanson. La question se pose face aux vœux très spéciaux du maire de Pantin, commune de Seine-Saint-Denis située aux portes de Paris. Bertrand Kern, puisque tel est le nom de cet édile socialiste, est sorti de l’anonymat à la faveur d’une étrange initiative : « Pantin s’appellera pendant un an Pantine, annonce-t-il à l’occasion des vœux. Nous rajouterons un « e » au nom de la ville parce que, ainsi, nous voulons interpeller, nous voulons qu’il y ait une prise de conscience sur cette égalité entre les femmes et les hommes qui n’est pas encore parfaite. »
On pourrait croire à une blague de potache, à un pastiche destiné à moquer un certain « bonnisme » de circonstance. Mais non, c’est bien vrai. C’est officiel. Pantin sera Pantine durant toute l’année 2023. En rire, à défaut d’en pleurer, c’est prendre le risque de passer pour un esprit bassement réactionnaire, corseté par des conventions surannées.
Le ridicule ne tue pas, mais il abîme la politique
Comment, toutefois, ne pas s’interroger sur le sens et l’efficacité d’une telle décision ? Changer Pantin en Pantine, est-ce réellement défendre l’égalité entre les femmes et les hommes, ou au contraire en faire un objet de dérision ? Certes, rien ne va changer sur les panneaux de signalisation, initiative qui aurait nécessité de nombreuses démarches juridiques, ainsi qu’un budget colossal. La porte de Pantin ne va pas devenir, fût-ce à titre transitoire, la porte de Pantine. Mais, alors, pourquoi une telle initiative ? Pour réussir un petit coup de communication ? Et ainsi instrumentaliser outrageusement une juste cause ? La dévoyer à grandes louches démagogiques ?
Dans ce cas, pourquoi se gêner ? Valérie Pécresse pourrait avoir envie de rebaptiser la région qu’elle préside en « Elle-de-France », afin de marquer son attachement à la défense des femmes. Strasbourg deviendrait « Strasbourge » dans un moment d’égarement. Marseille se trouverait alors bien frustrée, son orthographe ne permettant pas d’y ajouter un second « e » terminal.
Les présidents des Hauts-de-France et du Grand-Est, deux hommes, risquent quant à eux de se trouver dans l’embarras : la dénomination de ces deux régions n’exhale-t-elle pas un parfum suspect de domination masculine ? Heureusement pour elles, la Bretagne, la Normandie, l’Occitanie ou la Nouvelle-Aquitaine se trouvent hors de danger. Des plaisanteries plus lestes fleurissent aussi sur les réseaux sociaux : comment des villes comme Juan-les-Pins ou Mâcon pourront-elles relever le défi ?
Mais trêve de plaisanterie. Avec une bonne conscience confondante, le maire de Pantin rend un bien mauvais service à la politique, qu’il réduit à un exercice de gesticulation langagière. C’est là sa plus grande faute.