S’il juge que les propos de Michel Houellebecq peuvent blesser, le grand rabbin de France invite l’écrivain et le recteur de la Mosquée de Paris, Chems-Eddine Hafiz, à entrer en dialogue pour sortir de la polémique, sans passer par les tribunaux.
Le Figaro – Comment percevez-vous la polémique soulevée par Michel Houellebecq à propos de l’islam?
Haïm KORSIA. – Le Talmud recommande aux sages de veiller à ce qu’ils disent car leurs paroles peuvent être des «morsures de renard». Les mots peuvent blesser et ils peuvent tuer. Faut-il rappeler que le professeur Samuel Paty a été décapité suite à des paroles qui circulaient sur les réseaux sociaux? Le but de Michel Houellebecq n’est pas celui-là, mais je crois important de cadrer le débat pour ne pas donner le sentiment que cette violence serait appelée de ses vœux et distinguer ainsi sa description d’un risque potentiel.
Certaines phrases sorties de leur contexte peuvent donner le sentiment que c’est un appel à la violence alors que pour l’écrivain c’est l’exposition d’un risque majeur d’une fracture violente dans la société française. Ceci dit, je condamne depuis toujours l’expression «Français de souche» car cela veut dire l’exclusion des uns ou des autres. Nous avons, en tant que Juifs, connu cette mise à l’écart de la nation. Notre responsabilité de croyants et de citoyens est de ne rien laisser passer, ni donner à penser que la violence serait inéluctable.
Pour autant, avertir n’est pas consentir? Nommer un mal n’est pas le commettre?
Dire le mal peut l’empêcher, mais aussi le rendre possible. Car parler de quelque chose c’est le rendre crédible. Les mots anticipent toujours ce qui est fait. L’histoire du monde le démontre. Il y a toujours eu une formulation du mal avant que le mal n’advienne. En France, pays fondé et formaté par la culture et par la littérature, un texte a toujours de l’importance. La littérature dit toujours quelque chose des attentes, des obsessions, des espérances, des craintes de la société. On ne peut donc jamais considérer un ouvrage de manière anodine. Souvenons-nous de ceux qui ont occulté en 2002 le livre Les Territoires perdus de la République. Il disait pourtant vrai et annonçait ce qui se déroule aujourd’hui.
Quel est le véritable enjeu de cette polémique?
C’est la reconquête des valeurs de la République. Il n’y a donc pas débat sur la nécessité de réaffirmer, de reprendre en main le combat du réarmement intellectuel pour le gagner. La loi dite sur le séparatisme a été par exemple une loi de réaffirmation de valeurs républicaines. Mais la méthode pour y parvenir doit expliquer et non allumer le feu. C’est pourquoi je pense qu’il y a quelque chose à dire et à faire avec Michel Houellebecq pour discuter avec lui et j’espère l’entendre dire que ce qu’il décrit est un risque et non son espérance. Je choisis l’appel à la fraternité.
La Mosquée de Paris n’a-t-elle pas beaucoup à perdre en attaquant la liberté d’un écrivain devant la justice?
Je ne suis pas convaincu qu’aller en justice comme a décidé de le faire le recteur de la Grande Mosquée de Paris soit la solution. D’abord parce que Michel Houellebecq a déjà été assigné en justice pour des propos similaires et qu’il a gagné. Ce qui sera mis en cause ne sera pas la question de la liberté, mais celle de la responsabilité des propos. Pourquoi donc entrer dans des arguties juridiques quand on peut retrouver la facilité de se parler les uns les autres?
Le recteur de la mosquée de Paris, Chems-Eddine Hafiz, avait par exemple remarquablement agi au moment de l’affaire de Mila, cette adolescente qui avait critiqué l’islam sur les réseaux sociaux. Il l’avait reçue à la mosquée et lui avait offert un petit coran. Il avait discuté avec elle et ce fut beaucoup plus efficace! Il serait bon de sortir par le haut et je suis prêt à organiser la rencontre entre Michel Houellebecq et le recteur de la Mosquée de Paris, s’ils le veulent. Ils pourraient s’expliquer, et la mosquée de Paris pourrait rendre compte de son travail au quotidien pour rendre l’islam compatible avec les fibres mêmes de la République.
Un débat intellectuel a-t-il sa place devant un tribunal?
La France est fondée sur la liberté d’expression qui est un pilier essentiel de notre capacité d’exprimer les choses. Cela peut parfois gêner, mais ce n’est pas délictuel. Ainsi les propos d’un écrivain ne seront probablement pas qualifiés comme un «délit», ce qui est rassurant pour la liberté, mais comme l’expression d’une idée. Et, juridiquement, le problème se posera non sur l’idée mais sur la perception que certains ont de celle-ci.
Je le vois bien avec la lutte contre l’antisémitisme qui est un délit. Parfois des instances attaquent des propos blessants, mais ils sont rarement sanctionnés par la loi. Chez Houellebecq, il y a des schémas récurrents et je ne veux pas faire une critique littéraire de l’œuvre d’un écrivain reconnu. Mais c’est dommage de ne pas expliquer et de ne pas dialoguer avec ceux qui ont pu ressentir ses propos comme agressifs de façon à soulager cette violence verbale. Il nous faut retrouver l’apaisement des cœurs plutôt que la violence des mots.
Comment la communauté juive réagit dans les «quartiers» à la pression antisémite dénoncée par le Crif?
Cette violence du quotidien n’est pas un mythe, elle gangrène tout. Il y a aussi un déversement de haine et de violence sur internet, et c’est insupportable. Une loi avait été votée pour contrer cela, elle a été censurée par le Conseil constitutionnel. Je crois beaucoup en la formation pour mener ce combat contre l’indifférence. C’est le combat de l’intelligence. C’était d’ailleurs le combat de Benoît XVI: il était sorti de la polémique sur ses propos sur l’islam par l’intelligence et la fraternité en allant dans la grande mosquée d’Istanbul pour retisser un lien de confiance. L’intelligence permet toujours d’échanger et d’avancer.
Par Jean-Marie Guénois
Donc, d’après ce rabbin, « il faut faire attention à nos propos », pour ne pas finir comme le professeur Samuel Paty!!
Du coup, ils ont gagné les terroristes, on doit se sensurer pour ne pas les contrarier. Et ça c’est le rabbin de France qui le dit! Quelle médiocrité !!!