Le Premier ministre israélien se dit en mesure de former un gouvernement, avec l’appui de l’extrême droite et des ultraorthodoxes. Le chemin est encore long.
Il était moins une, mercredi, lorsque Benyamin Netanyahou a téléphoné au président pour lui transmettre la fameuse formule : « Je l’ai. » Une traduction littérale de l’hébreu qui, de fait, signifie, « je suis en mesure de former le prochain gouvernement ». Cela s’est donc passé quelques minutes avant minuit, juste avant l’expiration du mandat octroyé le 13 novembre dernier par Isaac Herzog au vainqueur des élections du 1er novembre. Autrement dit, Benyamin Netanyahou.
עלה בידי.
— Benjamin Netanyahu – בנימין נתניהו (@netanyahu) December 21, 2022
Avec son parti, le Likoud, et ses alliés, il revendiquait alors la confortable majorité de 64 députés sur les 120 que compte la Knesset, le parlement israélien. Dans l’allégresse du moment, son entourage avait même lancé qu’il faudrait à Benyamin Netanyahou deux semaines au plus pour composer son gouvernement. Ivresse de la victoire ou mauvaise estimation des formations partenaires ? Reste qu’il aura fallu sept semaines d’âpres négociations, avec moult crises et rebondissements, pour que le Premier ministre désigné parvienne à ses fins. Enfin, presque…
Des alliés exigeants
Car, ce n’est pas terminé. Le pays pourrait devoir attendre jusqu’au 2 janvier prochain – ce serait une nouvelle fois une échéance respectée in extremis – pour assister à l’investiture du nouveau cabinet. Car si plusieurs ententes ont déjà été conclues avec les alliés du Likoud, il reste encore à finaliser l’accord de coalition en bonne et due forme. Une tâche pas facile quand on connaît les exigences et l’appétit des uns et des autres.
Exemple : les partis ultraorthodoxes. Le Judaïsme de la Torah (ashkénaze) réclame le financement de l’ensemble de son système d’éducation privée – du jardin d’enfants aux écoles talmudiques – à parts égales avec l’éducation nationale publique et cela sans que soit exigé de la part des élèves ultrareligieux qu’ils étudient les matières fondamentales comme les mathématiques, les sciences et l’anglais. Le tout en gravant dans le marbre la dispense de service militaire accordée aux jeunes ultraorthodoxes.
Shass (sépharade) va même plus loin et devrait obtenir pour ses écoles un budget dépassant de 20 % ce que reçoit l’enseignement public. The Marker, le quotidien économique, a fait le calcul : cela signifierait qu’un étudiant ultraorthodoxe recevrait de l’état 22 000 shekels par an, alors qu’un jeune laïc serait seulement financé à hauteur de 18 000 shekels tout en étant astreint, lui, au service militaire. Autre exigence de Shass : le vote d’une loi permettant à Aryé Dery, son président, d’entrer au gouvernement, alors qu’il a été condamné à deux mois avec sursis pour fraude fiscale. Jusqu’ici, le judiciaire s’y oppose et l’affaire risque de se retrouver devant la Cour suprême.
Le « blitz législatif »
D’autres éléments de blocage concernent les formations d’extrême droite. Puissance juive a désigné son président Itamar Ben-Gvir, condamné en 2007 pour racisme, incitation à la haine et soutien au terrorisme, comme le futur ministre de la Sécurité nationale. Ben-Gvir en veut beaucoup plus, et notamment que l’ensemble des forces de l’ordre soit placé sous son contrôle, aussi bien le département des opérations que celui des enquêtes. Un projet de loi en ce sens a été adopté par la Knesset en 1re lecture. Restent les votes en 2e et 3e lectures qui devraient intervenir la semaine prochaine.
Pour Dorit Benish, une ancienne présidente de la Cour suprême, toutes ces réformes démontrent qu’il s’agit de changer la nature du régime en Israël. C’est également l’avis de l’actuelle procureur générale, très critique de ce qu’elle appelle l’actuel « blitz législatif ». Il y a quelques jours, Gali Baharav-Miara a lancé un double avertissement. À propos des projets de loi du futur gouvernement Netanyahou, elle a affirmé qu’ils menaçaient de faire d’Israël une démocratie « qui, dit-elle, en a le nom mais pas l’essence ». Concernant la loi sur le contrôle élargi de la police réclamé par Itamar Ben Gvir, le futur ministre en charge, elle a été plus précise encore : « la politisation des forces de l’ordre portera un coup sérieux aux principes fondamentaux de l’État de droit, c’est-à-dire l’égalité, l’absence d’arbitraire et l’impartialité ».