L’ancien journaliste d’investigation israélien Moshe Zonder chapeaute la série à suspense qui offre une plongée dans l’Iran contemporain. Ne pouvant y tourner, il a multiplié les sources afin de s’approcher au mieux de la réalité du pays.
Pour trouver l’une des images les plus justes de l’Iran aujourd’hui, et de sa jeunesse actuellement dans la rue, il faut regarder une série venue d’Israël, l’ennemi juré du régime des mollahs. Diffusée en 2020 par la télévision israélienne, la première saison de Téhéran, puis sa deuxième, visible depuis le mois de mai, se trouvent désormais sur la plate-forme Apple. Comme Hatufim (qui a inspiré Homeland) et Fauda, deux séries à succès, Téhéran aborde frontalement le contexte géopolitique de la région.
Dans la première saison, une agente du Mossad spécialisée dans le piratage informatique, née en Iran mais qui a grandi en Israël, débarque à Téhéran. Elle est chargée de neutraliser le système de défense de l’armée de l’air du régime afin de faciliter les frappes militaires de son pays sur les installations nucléaires iraniennes et empêcher la République islamique de se doter de la bombe atomique. Dans la deuxième saison, cette même agente reçoit pour mission d’exfiltrer un pilote israélien retenu en otage.
Expatriés en Grèce
Si l’action se déroule sur le sol iranien, le tournage ne pouvait s’y tenir, pour des raisons évidentes. C’est donc à Athènes que Moshe Zonder, aux manettes de la série, a travaillé avec des acteurs israéliens d’origine iranienne et des Iraniens expatriés en Grèce. L’ancien journaliste d’investigation présente dans la série une vision nouvelle, notamment de la jeunesse occidentalisée, à rebours de tous les clichés sur l’Iran, fruit d’un long travail. « Avant d’écrire la première saison de Téhéran, explique-t-il, nous avons mené des recherches pendant deux ans. »
A sa disposition, trois sources de renseignements : « Des universitaires dont le champ d’expertise balaye la sécurité intérieure iranienne, sa politique étrangère et son économie ; des membres des services de renseignement impliqués dans la guerre secrète entre Israël et l’Iran ; des Israéliens membres de la diaspora iranienne qui relisent nos scénarios pour nous informer des éventuelles inexactitudes. L’un d’eux se trouve à demeure sur le tournage, à Athènes, de manière à s’assurer de l’authenticité de notre reconstitution. » Ce dernier a même la tâche de regarder si les plats iraniens correspondent bien à la réalité. « Pour lui, le goût n’est jamais assez farsi. »
Ce travail préparatoire de Moshe Zonder est un héritage de sa façon de procéder lorsqu’il était journaliste, quand il rencontrait des responsables de pays arabes, ou en tant que scénariste sur la série Fauda, qui mettait en scène des espions israéliens infiltrés côté palestinien. « L’exemple des gamins de la grande bourgeoisie iranienne dépeints dans la série constitue un très bon exemple d’un phénomène que je n’imaginais absolument pas avant de travailler sur cette série, explique Moshe Zonder. Les fils et filles de certains gardiens de la révolution islamique, qui se situent tout en haut de la hiérarchie du régime, et pointent les Etats-Unis comme le grand Satan, étudient dans les meilleures universités américaines. Plusieurs de ces gamins largement occidentalisés mènent ensuite un train de vie extravagant, en plein cœur de Téhéran et échappent à la justice grâce à leurs parents. Nous regardons aussi beaucoup de vidéos diffusées par de jeunes Iraniens sur Internet. Si vous enlevez le son, on dirait de jeunes Israéliens. »
Si, dans Téhéran, le contexte géopolitique est central, son véritable sujet est la famille et l’identité, un aspect privilégié par le showrunner, dont les parents, survivants de la Shoah, ont quitté la Pologne pour Israël. Téhéran raconte en filigrane le besoin de certains Israéliens d’origine iranienne de renouer avec leurs racines.